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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

à Paris ; de cette défaveur, une autre part doit être, croyons-nous, attribuée à l’attitude que cette école avait prise au sujet de l’immaculée Conception de la Vierge Marie ; à la croyance en cette exemption de la tache originelle, l’Université de Paris se montrait fort attachée ; Saint Thomas, au contraire, l’avait rejetée, et ses disciples, en particulier les Dominicains, se plaisaient à rendre plus formelle la dénégation de leur maître. Partagée, donc, entre Scotistes et Nominalistes, l’Alma Mater délaissait entièrement les Thomistes. « Le Thomisme est presque ignoré. Alors qu’à Venise, à Rome, à Cologne et à Bâle, est déjà imprimée, avant 1500, la Somme de Saint Thomas, qu’il existe au moins 23 éditions italiennes, 40 éditions allemandes de ses œuvres diverses, une seule publication est faite à Paris, en 1490, de la Somme théologique, complétée par les Questions sur le pouvoir du Souverain Pontife, le Quaternaire et le Confessionale… Et c’est tout. Mettez en présence les éditions de la Légende dorée, simplement celles des Scolastiques comme Scot, Ockam, Albert le Grand, Holkot, Buridan ; on voit en quel sens se dirige l’activité théologique.[1] »

Les imprimeurs de Paris, qui n’accueillaient pas les œuvres de Saint Thomas, ne se montraient pas plus hospitaliers à l’égard du thomiste Jean le Tourneur. C’est à Leipzig, à Heidelberg, à Strasbourg, à Nuremberg, c’est parfois à Mantoue, c’est surtout à Cologne, que les manuels de ce maître routinier trouvaient des éditeurs et partant, nous le devons croire, de nombreux lecteurs.


X
CONCLUSION


Jean le Tourneur sait ce qu’ont pensé, des moteurs célestes, Aristote, Avicenne, Averroès, Albert le Grand, Saint Thomas d’Aquin ; de toutes les théories qui ont été proposées à ce sujet, il n’en est qu’une dont il paraisse ignorant, et c’est celle de Jean Buridan ; il ne semble pas savoir que le philosophe de Béthune a proposé de rejeter toutes ces substances séparées, toutes ces intelligences chargées de mouvoir les orbes ; d’attri-

  1. Pierre Imbart de la Tour, Les origines de la Réforme. Tome IX. L’Église catholique ; la crise et la renaissance, Paris, 1909. p. 555.