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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

Firmament cause la durée des choses ; enfin les mouvements des planètes produisent, en la matière, les complexions diverses ; ainsi deviennent, en quelque sorte, manifestes le nombre et l’ordre de ces orbes célestes. »

Comparée à la doctrine d’Albert le Grand et des commentateurs des Tables Alphonsines, cette théorie présente une interversion des rôles attribués à la huitième sphère et à la neuvième sphère ; cette interversion est comme la marque de fabrique de Nicolaus de Orbellis, encore que celui-ci en ait peut-être reçu le modèle, d’Albert de Saxe.

Malheureusement pour Jean le Tourneur, il n’emprunte pas toute son Astronomie à Nicolaus de Orbellis ; il y mêle l’Astronomie d’Aristote, sans s’apercevoir que telle conséquence logique de celle-ci devient, dans le système de Ptolémée, proposition inacceptable. Par exemple, il veut, comme le Stagirite, que les astres ne tournent pas sur eux-mêmes[1], et la Lune lui sert, comme elle a servi au Philosophe, à prouver cette assertion ; la Lune, dit-il, ne tourne pas’ sur elle-même, puisqu’elle nous montre toujours la même face. Le raisonnement était valable pour qui croyait la Lune portée par une sphère concentrique à la Terre ; il ne l’est plus pour qui suppose, avec Ptolémée, que la Lune décrit un épicycle ; il faut alors le retourner et dire : Si la Lune nous présente toujours la même face, c’est qu’elle accomplit sur elle-même un tour dans le temps qu’elle parcourt son épicycle. Richard de Middleton l’avait fort bien dit, et Nicolaus de Orbellis avait sagement reproduit ce dire. En gardant le raisonnement d’Aristote tandis qu’il admet, d’ailleurs, le système de Ptolémée, Jean le Tourneur révèle trop clairement ce qu’il est ; simple compilateur, il emprunte à divers auteurs des renseignements astronomiques qu’il comprend trop mal pour les mettre d’accord.


G. Les moteurs des Cieux


Habituellement, à Paris, les candidats à la licence se contentaient d’étudier les six premiers livres de la Métaphysique d’Aristote ; les manuels dont ils usaient ne commentaient que ces six livres et, donc, ne disaient rien des Intelligences aux-

  1. Joannis Versoris Op. laud., lib. II, quæst. XII ; éd. cit., fol. XXXI, col. c et d.