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L’UNIVERSITÉ DE PARIS AU XVe SIÈCLE

soi, capable de se mouvoir ; il se meut naturellement vers son lieu propre, où il demeure de lui-même en repos ; en outre, le tout a même mouvement que la partie. Si donc la terre entière était mise hors de son lieu, elle se mouvrait naturellement vers lui ; mais comme il ne se rencontre rien qui fasse violence à la terre entière, la terre prise en son ensemble n’a pas de mouvement actuel.

» Ou bien si[1], comme le disent quelques personnes, la terre tout entière se meut[2], c’est en vue de l’équilibre (propter equilibrum), afin que le centre de gravité de la terre devienne centre du Monde. »

À cette théorie des petits mouvements de la terre, que les « Modernes » ont complaisamment développée, notre auteur ne fait pas d’autre allusion.

Il n’indique pas davantage comment ces « Modernes » ont usé de la distinction entre le centre de grandeur de la terre et le centre de gravité de ce corps pour expliquer l’émergence des continents. Comment il rendait compte de cette émergence, nous l’allons voir.

Une des Questions sur le traité du Ciel et du Monde est en entier consacrée à présenter, d’après Aristote, la théorie mécanique de la figure de la terre ; toutefois, cette théorie y est précédée de la déclaration que voici[3] :

« La terre peut être considérée à deux points de vue.

» On la peut considérer, d’abord, au point de vue de sa nature particulière et de ses propriétés ; à ce point de vue, il faut que toutes les parties en soient également graves et qu’elles tendent toutes également au centre ; si donc la terre était disposée conformément à l’aptitude de sa nature particulière, elle devrait être de figure sphérique.

» À un autre point de vue, on peut considérer la terre en tant qu’elle est altérée par l’action de la nature universelle ; c’est ainsi qu’il se rencontre en elle des montagnes et des vallées ; la nature a eu l’intention de les produire pour le bien et Futilité des êtres qui naissent et vivent sur la terre. Ces inégalités adviennent à la terre, pour ainsi dire, d’une façon violenté ; à l’égard de la nature propre de ce corps, elles sont hors nature, bien qu’elles se produisent selon la nature universelle. »

  1. Au lieu de : Vel si, le texte, très fautif, porte : Vel sic.
  2. Le texte porte : non movetur.
  3. Joannis Versoris Op. laud., lib, II, quæst. ultima, sciendum secundo… ; éd. cit., fol. XL, col. d, et fol. XLI, col, a.