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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

de Duns Scot. Il en va de même de Jean Hennon qui suit volontiers, dans les débats proprement philosophiques, l’avis du Docteur Subtil, et, dans les discussions plus cosmologiques, les enseignements des Modernes.

À Paris, donc, une sorte de pacte d’alliance s’était conclu entre l’École scotiste et l’École moderne. Si, de tous les philosophes, Jean de Duns Scot semblait être celui qui avait le plus profondément creusé les problèmes de la Métaphysique, on jugeait que la Physique avait, après lui, par les efforts des Buridan, des Oresme, des Albert de Saxe, des Thémon, des Marsile d’Inghen, des Pierre d’Ailly, fait de grands progrès.

En face de cette école, dont les doctrines modernes professées en Physique se coordonnaient volontiers aux enseignements métaphysiques du Docteur Subtil, une autre école menait une réaction contre la Physique des Buridan, des Oresme et de leurs successeurs ; elle prétendait reprendre, sur tous les points, la doctrine désormais condamnée d’Aristote et de ses commentateurs grecs ou arabes ; et cette école rétrograde se mettait sous le patronage de Saint Thomas d’Aquin ; en sorte qu’on voyait, dès ce moment, la routine têtue, le sot attachement aux erreurs condamnées du passé, profaner, par leur audace à s’en autoriser, le nom du Docteur communis ; celui-ci, cependant, avait été un novateur dont la plupart de ses contemporains admiraient l’audace, dont plusieurs condamnaient la témérité.

Cette École rétrograde, qui se disait thomiste, était sans doute moins puissante dans l’Université de Paris, que l’École qui s’avouait scotiste et moderne ; si nous en jugeons par les écrits qui nous sont restés, les représentants de celle-ci étaient beaucoup plus nombreux que les adeptes de celle-là ; nous reconnaissons, cependant, un de ces réactionnaires qui se vantaient d’être thomistes en la personne de Jean le Tourneur (Joannes Versoris).

Que savons-nous de la vie de Jean le Tourneur ? Nous en ignorons tout. De ses Questions sur la Métaphysique d’Aristote, une édition donnée, à Lyon, par un typographe inconnu, porte, à la première page, une épitaphe où se lisent ces vers :


Parisee faces hic urbis studiique Johannes
Versoris decus eximium doctissimus omnium

Notre auteur, mourut donc à Paris, où il avait enseigné. Malheureusement, le livre qui nous donne ce renseignement n’est pas daté ; les bibliophiles en placent l’impression au