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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

puissance ; il est donc une puissance par laquelle le vide peut être réalisé ; par conséquent, l’existence du vide n’implique pas contradiction. »

Tout cet enseignement est celui que les Parisiens, depuis le début du xive siècle, donnaient à l’unanimité. Ils se divisaient lorsqu’il leur fallait répondre à cette question : Un grave placé dans le vide y tomberait-il en un instant ou bien sa chute requerrait-elle une certaine durée. Saint Thomas et Duns Scot jugeaient que la résistance du milieu n’était pas nécessaire pour que la chûte fût successive, et leur opinion était dictée par une confuse aperception de la notion de masse ; mal inspirés en cette circonstance, les Jean Buridan et les Albert de Saxe méconnaissaient cette intuition ; la résistance du milieu faisant défaut, un grave simple devait, dans le vide, tomber en un instant ; seul un grave mixte, contenant un corps léger qui contrarie le mouvement vers le bas, pouvait, en l’absence de tout milieu résistant, accomplir une chute successive.

Jean le Maire, qui se vante de toujours raisonner secundum mentem Scoti, délaisse ici l’enseignement du Docteur Subtil pour suivre la tradition de Buridan et d’Albert de Saxe. « Un grave simple ou un corps léger simple qui serait placé dans le vide, dit-il[1], s’y mouvrait en un instant, et non pas en un certain temps ; cela est évident car, en un tel mouvement, il n’y a pas de milieu ; or il a été dit dans le doute précédent que la succession, dans le mouvement d’un grave simple ou d’un corps léger simple provient tout entière de la résistance du milieu.

» Accompli dans le vide, le mouvement d’un corps mixte, grave ou léger, n’est point instantané, mais successif ; en un tel corps, en effet, la légèreté résiste à la pesanteur. »


B. Le mouvement des projectiles
et la chute accélérée des graves


Jean le Maire admet[2] qu’un projectile est mû par l’impetus imprimé au moment du jet. L’exposition de cette théorie ne lui donne pas grand peine ; il se borne à recopier, presque mot pour mot, ce qu’en avait dit Jean Hennon.

  1. Jean le Maire, loc. cit., dubitatur secundo...
  2. Joannis Magistri Physicorum, lib. VIII, quæst. VII, dubium 3m ; éd. cit., fol. sign. i. 3, col. c.