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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

Georges de Bruxelles, de Pierre Tataret ressemblent extrêmement à celles que nous avons lues dans les Questions de Maître Roger Bacon ; expériences et explications sont les mêmes ; la tradition du grand Franciscain, du moins en cette doctrine, était encore, semble-t-il, bien vivante à Paris à la fin du xve siècle.

Dans le vide[1], le mouvement se pourrait-il faire d’une manière successive ? « Au second livre des Sentences, Scot suppose que la cause essentielle de la succession dans le mouvement est la résistance du mobile au moteur ; cette résistance, il est vrai, n’est pas telle que le moteur ne puisse mouvoir le mobile ; elle n’est pas telle, non plus que le mobile soit sollicité à l’opposé, car il en est exclusivement ainsi dans le mouvement violent ; mais elle consiste en ceci que le mobile se, trouve soumis à un certain ubi auquel ne peut immédiatement succéder le terme vers lequel tend le moteur dont la force est finie ; le mobile, en effet, n’est pas pleinement obéissant à un moteur dont la force est finie. »

Ce sont textuellement là, en effet, les paroles de Duns Scot[2]. Pierre Tataret a grandement raison de les reproduire et, surtout, d’y conserver cette phrase : « Nec talis quod mobile inclinetur ad oppositum, quia sic est præcise in motu violento. » C’est précaution contre ceux qui voudraient confondre cette sorte de résistance, qui est la masse obscurément entrevue, avec une force antagoniste. Nus avons entendu Georges de Bruxelles et Thomas Bricot donner dans cette confusion.


C. Le mouvement des projectiles
et la chute accélérée des graves


Par quoi sont mus les projectiles lorsqu’ils ont quitté ce qui les projette ? Pour répondre à cette question, Tataret reproduit presque mot pour mot[3] ce que Marsile d’Inghen, à la fin de ses Abbreviationes libri Physicorum, avait dit de Timpetus. De son célèbre prédécesseur, il reproduit jusqu’aux erreurs. « On demandera peut-être, dit-il, pourquoi ce qui est mû par Yimpetus est souvent mû plus vite au milieu ou à la fin de sa course

  1. Tataret, loc. cit. ; tertio sciendum… Ed. cit., fol. XXXII, col. d.
  2. Voir : Cinquième partie, ch. VIII, § VI.A, t. VIII, pp. 77-85.
  3. Petri Tatareti Physicorum, lib. VIII. Quæritur utrum primus motoî sit immobilis. Quarto sciendum… Ed. cit., fol, LV, coll. c et d.