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LA COSMOLOGIE DU XVe SIÈCLE

auprès des Barbouillamenta Scoti, et de R. Lullius, de bastifolagiis principium, à côté de Marmotretus de baboinis et cingis, cum commento Dorbellis, se rencontrent : Bricot, de differentiis soupparum ; Majoris, de modo faciendi boudinos, Beda, de optimitate triparum, enfin : Tartaretus, de modo cacandi. Assurément, la verve ordurière de Rabelais vise des auteurs particulièrement fameux auprès des écoliers de son temps.

Le maître qui, vers l’an 1494, feuilletait la Clarissima totius Philosophiæ naturalis que Pierre Tataret venait de donner et qui concevait l’espoir d’y rencontrer quelque pensée neuve, quelque solution inédite, devait bientôt refermer le volume avec dédain ; il n’y trouvait rien qui n’eût été dit depuis cent ans par ceux qu’on appelait alors les Modernes ; encore, bien souvent, Tataret n’avait-il pas emprunté son exposition aux véritables créateurs des doctrines, aux Jean Buridan et aux Nicole Oresme ; il avait recopié ou résumé ce qu’il trouvait dans les manuels plus récents de Nicolaus de Orbellis ou de Georges de Bruxelles.


A. Le lieu


L’influence de Georges de Bruxelles, par exemple, n’est-elle pas bien reconnaissable dans ces passages que notre auteur écrit[1], à propos du lieu de la sphère ultime ?

« Autre chose est parler de la sphère ultime selon la vérité et selon la foi, autre chose d’en parler selon la pensée d’Aristote. Aristote disait, en effet, que la huitième sphère était la dernière ; cela n’est point vrai, car, au-delà de cette sphère, les théologiens en mettent trois autres, la neuvième, la dixième et la onzième ; cette onzième sphère, ils la nomment sphère ultime et immobile ; ils disent qu’elle est le Paradis.

» Par là, on peut facilement répondre que, selon la vérité, la sphère ultime est immobile et n’est point en un lieu. Mais si l’on prend la huitième sphère pour sphère ultime, comme l’entendait Aristote, cette sphère est mobile ; et l’on peut dire qu’elle est en un lieu, non pas qu’elle soit logée, mais parce qu’elle loge. »

  1. Petri Tatareti Physicorum, lib. IV. Dubitatur utrum ultima sphæra sit in loco. Ed. cit., fol. XXXI, col. b.