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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

milieux différents, le rapport des vitesses ou des lenteurs, est égal au rapport des subtilités ou des densités des milieux ; mais cela n’est pas vrai, comme il l’a affirmé, de la vitesse ou de la lenteur naturelle.

» Quelques-uns, comme Saint Thomas et ceux qui l’ont suivi, ajoutent ceci :

» S’il existait un tel espace vide et qu’un mobile s’y trouvât, par le fait même que ce mobile est corporel et qu’il se trouve en une situation opposée [à celle que le moteur tend à lui conférer], il opposerait une résistance suffisante au moteur ; et cette résistance, à leur avis, suffirait pour que le mouvement local eût lieu en cet espace.

» Mais tout cela semble absolument impossible et contraire à Aristote. »

Jean de Jandun rejette donc les raisons d’Ibn Bâdjâ et de Saint Thomas. Il ne peut concevoir cette résistance que le Doctor communis attribue au mobile du fait seul qu’il est corporel ; il ne peut concevoir d’autre résistance que celle d’une force résistante, qui tend vers un certain lieu, comme fait la pesanteur ou la gravité, et un tel lieu ne se trouve pas dans le vide.

« Lorsqu’on dit : Le grave lui-même est corporel et il se trouve en une situation opposée, en sorte qu’il résiste au moteur, et cela par le fait même qu’il est dans une situation opposée [à celle où le moteur tend à le mettre]. —— Je réponds : Si le vide existait, il n’y aurait aucune diversité entre ses parties ; le mobile qui s’y trouverait ne serait donc pas dans une situation opposée à une autre situation ; en effet, l’opposition de situations qui suffit à déterminer une résistance du mobile à l’égard du moteur, requiert nécessairement une certaine opposition ou diversité naturelle entre les parties du lieu ou entre différents lieux ; si donc le vide existait, il n’y pourrait rencontrer aucune opposition d’une situation à une autre situation. »

Contre les remarques par lesquelles Thomas d’Aquin a fait entrevoir à ses disciples la notion de masse, Jandun répète ses coups.

« La succession[1] dans le mouvement des corps inanimés, graves ou légers, provient de ce qui résiste à leur puissance motrice propre. On peut alors faire le raisonnement suivant :

1. Joannis de Janduno Op. laud., lib. IV, quæst. XIII : An suceessio In motu gravium et levium ex resistentia medii causetur.

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