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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

où il n’y a point de couleur ; c’est ce que nous montre l’arc-en-ciel. »

Il y a, dans ces considérations, plus d’une proposition qui peut sembler hérétique à ceux qui gardent pleinement, au sujet de la substance céleste, les enseignements d’Aristote et d’Averroès ; mais les théories d’Henri de Langenstein, qui assimilent les effets des astres sur les choses d’ici-bas aux effets que ces mêmes choses exercent les unes sur les autres, ne semblent pas de nature à troubler les astrologues peu soucieux de Péripatétisme ; qu’y a-t-il, par exemple, en tout ce que nous venons d’entendre, qui puisse choquer un Claude Ptolémée ?

Que les astrologues ne se hâtent point de mettre notre philosophe hessois au nombre de leurs partisans.

En marge d’un des manuscrits[1] qui nous ont conservé ce que nous venons de rapporter, une main du xve siècle a écrit : « Nota in isto capitulo contra astronomos judiciarios. » Le lecteur qui a fait cette remarque était perspicace.

En effet, le passage que nous citions à l’instant se poursuit en ces termes :

« Ces rayons inflammables [que les astres nous envoient] ainsi que les rayons d’autres espèces, auraient, dans un milieu uniforme, un trajet rectiligne ; selon la diversité des milieux dans lesquels ils pénètrent, ils se réfracteraient en s’écartant ou se rapprochant de la normale ; selon la façon dont le patient souffre leur action ou suivant telle ou telle disposition du patient, ils se réfléchiraient d’une manière ou d’une autre ; tout cela se ferait comme ceux qui traitent de la Perspective l’ont imaginé, au sujet des rayons lumineux et colorés, et l’on prouve par l’observation des phénomènes.

» Remarquons, pour la radiation lumineuse, quels sont les effets de cette variation. Le rayonnement de la lumière solaire est simple dans la source qui le produit, il est homogène au sein d’un milieu homogène, il a partout même nature. Cependant, selon que les corps qui le reçoivent sont disposés par telle ou telle qualité, qu’ils s’offrent à lui dans telle ou telle situation, que leur surface affecte telle ou telle figure, leurs angles de réflexion ou de réfraction en sont changés ; par là surviennent ici-bas une foule d’effets admirables, comme les phénomènes de l’arc-en-ciel, du halo, du périhélie, comme les couleurs variées dont se teignent les nuages.

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, mi. no 14580, fol. 207, col. c.