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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

fussent aucunes fois nécessaires, et tousjours sont-ils à amer et rémunérer.

» Item, les autres qui scèvent peu de vraie science et qui cuident que tout ce qui est escript de divinemens et de expérimens soit véritable, et qui par ignorance ou par malice s’entremettent de abuser des sciences, et pour achoison[1] desquelz Astrologie est à tout diffamée, ou qui usent de mauvais ars par divinemens, je dy qu’ilz sont périlleus et souverainement à eschiner[2] de tout homme, et par espécial du prince, pour les causes et pour les raisons dessus dites et après à dire. »

Tout le bon sens qu’Oresme a répandu au cours de son petit traité Des divinations, il le ramasse, peut-on dire, dans le chapitre qui conclut cet opuscule. Citons en entier ce dernier chapitre[3] :

« Selon ce que touche Aristote ou second livre de Métaphisique, ilz sont aucuns personnes qui, par acoustumances qu’ilz ont eues en joenesce ou par mauvaise introduccion ou foie affeccion ou périlleuse inclinaison, sont si fort affichiées ou aheurtées à une erreur et faulse oppinion, que ilz ne la veulent laissier, mais leur est tristesce ou raison au contraire, et sont inhabiles à entendre vérité ; car, si comme dit Ptholomée, amour et hayne pervertissent bon jugement.

» Averrois, ou prologue ou tiers livre de Phisique, [donne] une bonne doctrine quant à ce ; et dit que on se doit acoustumer à oïr le contraire ; et doit-on soy abstraire en résistant à son inclinacion, et oster toute afficcion, et soy tenir comme vray juge indiférent, en considérant loyaument les raisons aussi bien de l’une part comme de l’autre.

» Je le dy pourtant, car il me semble, que il n’est nul, se il est raisonnable, de noble entendement et enclin à vérité, et veille[4] diligemment, sans afficcion, considérer les choses dessus dites, qui desore[5] en avant aye désir de mettre son entente et sa cure à telz divinemens.

» Et pour ce me souffist-il ce que j’en ay dit, quant à présent, et fais fin et conclusion que périlleuse chose temporelment, et[6] signe et cause de mauvaise fortune, est[7] user de telz divinemens ;

  1. achoison = occasion, cause, motif.
  2. eschiner = se moquer, se railler.
  3. Nicole Oresme Op. laud., ch. XVIII ; ms. cit., fol. 30, vo, et fol. 31, ro.
  4. veille = veuille.
  5. desore = désors, désormais.
  6. Le ms. porte : est.
  7. Le ms. porte : en.