Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/484

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
481
LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

rien destourbé[1] du gouvernement publique. Et ce est proprement la sentence de Tulles ou premier livre des offices. Maiz je passe oultre pour cause de briefté ; car il est certain que se il y mettoit trop sa cure, il ne seroit pas réputé pour sage, maiz pour fantastique. »

Charles V a, sans doute, entendu ces conseils, car il a mérité le titre de sage beaucoup plus justement qu’Alphonse X de Castille.

C’est pour donner aux princes et aux seigneurs de « noble engin » le moyen d’étudier l’Astronomie dans les limites où elle peut leur offrir un « honneste ébat », qu’Oresme a rédigé en français son Traictié de l’espère[2].

« La figure et la disposition du Monde, disait-il dans son Prologue au lecteur, le nombre et ordre des éléments^et les mouvements des corps du Ciel appartiennent à tout homme qui est de franche condition et de noble engin. Et est belle chose, délectable, profitable et honneste… Duquel je veuil dire en françois généralement et plainement ce qui est convenable à sçavoir à tout homme, sans me trop arrester ès démonstrations et ès subtilitez qui appartiennent aux astronomiens. »

Ainsi notre auteur savait-il faire le départ entre l’enseignement convenable aux hommes pour qui la science sera profession, et l’enseignement, utile à tous, que déshonore trop souvent le nom de vulgarisation.

Nicole Oresme ne se borne pas à tracer aux princes la conduite qu’il leur faut tenir à l’égard de la science des astres ; il leur marque aussi comment ils se doivent comporter envers ceux qui s’adonnent à cette science[3].

« Je dy après que tous princes et chascun doit honnorer les vrais estudians en Astrologie, et ceulx qui font observacions, et qui mettent paine à examiner les règles des jugemens ou trouver nouvelles, et qui regardent et considèrent les autres ars ou sciences touchiées ou premier chapitre, bonnes ou males, sans abuser, et qui scèvent considérer la nature des choses et réprouver par raison ce qui fait à réprouver ; car telles gens sont ou

  1. destourbé = troublé.
  2. Le traicte de la sphère : translate de latin en françois par maistre Nicole Oresme, tres docte, et renomme philosophe. On le vent à Paris, en la rue Judas chez Maistre Simon Du Bois imprimeur. — In fine : Imprimé à Paris par Maistre Simon Du Bois.
  3. Nicole Oresme, Des divinations ; Bibliothèque Nationale, fonds français, ms. no 19951, fol. 24, vo. Oresme tient un langage tout semblable dans son Tractatus contra astronomos judiciarios, cap. VI (Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 14580, fol. 103, col. a).