Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/480

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
477
LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

donc pas d’autre condamnation théorique ; iJ sé contentera de tenir le langage qu’ont tenu tous les docteurs de l’Êglise et tous les théologiens. Mais, parmi ceux-ci, il s’en trouvait qu’une condescendance marquée inclinait vers ceux qui recouraient aux jugements d’Astrologie ; ils ne les blâmaient que dans la stricte mesure où leurs principes doctrinaux les y contraignaient ; ainsi faisait Saint Thomas d’Aquin ; ainsi faisait surtout Roger Bacon. Oresme agira de toute autre façon ; sans philosopher sur les principes, c’est aux hommes qu’il s’en prendra ; il s’attachera à prouver que les astrologues sont des charlatans et de roués filous, et que ceux qui leur accordent confiance sont des dupes. xCette manière toute pratique de combattre l’Astrologie ressemblera fort à celle dont usait Guillaume d’Auvergne dans son De fide et legibus. Oresme, d’ailleurs, ne craignait pas de s’autoriser de cet ouvrage lorsqu’il écrivait[1] : « Et dit Guillaume, évesque de Paris, en son livre De foy et loy, que l’humain lignage est naturelment enclein à ydolatrie. Or est ainsi que telz divinacions sont aussi comme une espèce de ydolatrie, et est voulenté et folie et présumpcion que nature humaine veuille savoir ce qui appartient à Dieu tant seulement. »

En marquant une telle sévérité à l’égard des jugements d’Astrologie, Maître Oresme reprenait la tradition constante des Pères de l’Êglise ; il ne l’ignorait pas et, dans cet accord avec la doctrine patristique, il voyait une preuve de la vérité de son propre enseignement. Dans son petit traité Contra astronomos judiciarios, il écrivait[2]  :

« Non seulement ces curiosités superstitieuses sont interdites aux princes, mais on en peut dissuader tous les hommesTparjJe triple moyen de l’autorité, de la raison eCde l’expérience, f.’

» À tout le monde, en effet, doit suffire l’autorité d’hommes circonspects, tels qu’Augustin, Grégoire, Jérôme, Ambroise, Origène et tous les autres docteurs qui ont déclaré l’Astronomie judiciaire chose inutile, dangereuse et fort ennemie de la vérité catholique. »

Avec quelle finesse et quel bon sens notre auteur perce à jour les duperies des astrologues, on le pourra voir par les citations suivantes[3] :

  1. Nicole Oresme, Op. laud., ch. X ; ms. cit., fol. 13, vo.
  2. Magistri {{sc|Nicolai Oresme} Tractatus contra astronomos judiciarios, cap. IV ; Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 14580, fol. 101, col. d.
  3. Nicole Oresme, Des divinations, ch. XII ; Bibliothèque Nationale, fonds français, ms. no 19951, fol. 19, ro, à fol. 22, vo.