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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

tentés d’escompter une rigoureuse condamnation ; notre attente serait déçue, car voici ce qu’en dit Oresme[1]  :

« Celles d’après s’apliquent à la pratique des jugemens, et la tierce en trois manières dessus dictes.

» Desquelles la première, qui est des grans aventures du Monde, puet estre et est assez souffisamment sceue, en général tant seulement, car, en espécial, ne puet-on savoir en quel païs, en quel moys, par quelles personnes ne sur quelles determinéement telles choses avendroit, ne les autres particulières circonstances. »

La météorologie astrologique ne semble pas, à notre auteur, impossible par nature ; mais il a, pour ce qu’on en prétend savoir, la plus mince estime ; assurément, des traités semblables à celui de Firmin de Belleval, il ne faisait aucun cas :

« Secondement, dit-il[2] , de la mutacion de l’air ; c’est chose possible estre sceue de sa nature ; mais elle est trop forte ; n’est à présent ne ne fu long temps qui en sceut aussi, fors comme néant ; car les règles de la seconde partie sont faulses pluseurs, si comme j’ay dit, et ceste partie les suppose ; et semblablement sont faulses les règles espéciaulx qui sont escriptes pour ceste partie. Et par ce véons-nous communément que telles mutacions scavent mieux jugier les mariniers et les laboureurs des champs que ne font les astronomiens. »

De cette incapacité où se trouve l’Astrologie de prédire les simples changements de temps, notre auteur, dans son petit traité latin, tirait argument « contre les astrologues judiciaires qui veulent être appelés philosophes. »

Nombre de règles formulées par les astrologues, écrivait-il[3] au sujet de la météorologie astrologique, « ne sont pas des règles, par cela même qu’elles trompent la plupart du temps ; ceux qui sont experts en cet art n’osent pas s’en servir pour formuler des jugements, parce qu’il est possible d’éprouver de suite si les pronostics qu’on en tire sont vraies ; mais, par les jugements de nativité, ils formulent, touchant les fortunes des hommes, des prédictions qui ne se doivent pas réaliser si vite, ou qu’on peut interpréter dans un sens comme dans l’autre. Alors qu’ils ne savent pas juger des changements de temps, ni des effets atmosphériques comme les vents et les pluies, toutes

  1. Nicole Oresme, loc. cit. ; ms. cit., fol. 3, ro et vo.
  2. Nicole Oresme, loc. cit. ; ms. cit., fol. 3, vo.
  3. Magistri Nicolai Oresme Tractatus contra judiciarios astronomos, cap. IV. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 14580, fol. 102, col