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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

des mouvements célestes, mais seulement une connaissance approchée (prope punctum).

Nous avons vu comment cette thèse si juste avait conduit Oresme à la condamnation absolue de tout jugement astrologique ; condamnation mal justifiée, d’ailleurs, car un raisonnement tout semblable nous pourrait contraindre à rejeter toute prévision tirée de l’expérience.

Cette condamnation tranchante de toute Astrologie, nous ne la retrouverons pas dans le petit traité Des divinations ; nous y trouverons, au contraire, le soucf de concéder une certaine part de vérité à plusieurs chapitres de l’art judiciaire, mais de délimiter cette part de vérité et de montrer qu’après tout, elle est fort mince.

Ce changement de l’attitude prise par Oresme est assez grand pour surprendre ; l’explication ne s’en laisse pas aisément deviner. Peut-être notre auteur avait-il reconnu que sa première intransigeance n’avait pas de quoi se pleinement justifier. Il semble plus probable qu’il cherche à éviter toute affirmation excessive et dont ses contemporains eussent pu contester ; son intention, il nous l’a dit lui-même, n’est pas d’instituer, au sujet des principes de l’Astrologie, un débat philosophique ; elle est toute pratique ; il se propose de persuader ceux qui le liront, de leur montrer, par simples arguments de bon sens, que les prédictions astrologiques méritent fort peu de confiance, et qu’il n’est point sensé de leur faire crédit.

Que tel soit bien le propos d’Oresme, le passage suivant[1] nous en donne, croyons-nous, l’entière assurance :

« Aucuns pourroient dire que les sciences dessus nommées sont de ancienne autorité et baillées par prophètes et par aucteurs raisonnables et ès livres autentiques, espécialment Astrologie ; et néantmoins j’en répreuve aucunes parties et aucunes règles et les autres ars nommés, sans assigner aucune raison, aussi comme cil qui les het[2].

» Je respons et dy primo que ce seroit trop longue chose de déclarer particulièrement la faulseté et la débileté des preuves sur quoy les sciences que je dy estre nulles sont fondées.

» Item, ce n’est pas chose aisée à mettre ou baillir en françois, ne que gens lais puissent légièrement[3] entendre.

  1. Nicole Oresme Op. laud., ch. cit., fol. 5, ro et vo.
  2. het = hait.
  3. légièrement = aisément. IV ; ms.