L’autre, qui porte dans le fonds français le n° 19951, se termine[1] par cette formule latine : « Explicit liber Magistri Nicolai Oresme de divinacionibus. »
C’est ce dernier exemplaire que nous avons étudié.
Le traité Des divinations débute par un prologue[2] que nous reproduirons tout d’abord :
« Mon intencion, à l’aide de Dieu, est monstrer, en ce livret, par expérience, par autorité, par raison humaine, que foie chose, mauvaise, et périlleuse temporelment est mettre son entendement à vouloir savoir ou deviner les aventures et les fortunes à venir ou les choses occultes par Astrologie, par Nigromance[3] , par Géomance ou par quelzconques telz ars, se on les doit appeller ars. Mesmement, telle chose est plus périlleuse à personnes d’estat, comme sont princes et seigneurs ausquelz appartient le gouvernement publique. Et pour ce ay-je composé ce livret en françois, afin que gens lais le puissent entendre ; desquels, si comme j’ay entendu que plusieurs sont trop enclins à telles fatuitez ; et autrefïois ay-je escript en latin de ceste matière.
» Et se aucun veult réprouver ce que je diray quant à ma principal intencion, si le face en appert et par raison, non pas en détraccion et es crise encontre, et je y respondray si je puis ; car ainsi porroit-on trouver la vérité.
» Toute voies, quanque je diray, je le soubsmet à la correccion de ceulx à qui il appartient.
» Et supplie que on me ait excuse de la rude manière de parler, car je n’ay pas aprins ne acoustumé de rien bailler ou escripre en françois. »
Oresme ne se propose donc pas d’écrire pour ceux qui savent le latin, pour les clercs, mais bien pour les laïcs, pour les « gens lais » qui entendent seulement le français ; et c’est tant mieux ; car ce qu’il nous va faire entendre, ce ne seront pas dissertations philosophiques ou théologiques, mais considérations de sens commun, auxquelles sa « rude manière de parler » prêtera une force singulière.
Parmi les « gens lais », ceux qu’il désire particulièrement atteindre, ce sont « les personnes d’état, comme sont princes et seigneurs. » A côté de lui, à la cour du roi Charles V, il voit les grands s’adonner furieusement aux divinations astrologiques et aux sortilèges les moins sensés ; dangereuses chez les humbles,
1. Bibl. Nat., fonds français, no 19951, fol. 31, ro.
2. Ms., cit., fol. 1, ro.
3. nigromance = nécromancie.