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LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

montré que quiconque s’était mêlé de ces choses s’en était mal trouvé.

» Donc la racine première de l’art magique, c’est la mensongère persuasion d’une erreur ; par cette persuasion, le mage se trompe lui-même et fait parfois illusion à autrui. Il s’imagine en effet, qu’il opère soit par quelque force occulte venue des astres, soit par une superstition sacrilège ; la plupart du temps, en outre, il prétend mensongèrement faire par Astrologie ce qu’il s’efforce tout simplement d’accomplir par art physique.

» Dans leurs livres, qu’ils nomment faussement nécromantiques, on rencontre un assemblage de paroles qu’ils ont imaginé. On y trouve des démonstrations (persuasiones) que les gens intelligents ne sauraient approuver mais qui, pour les ignorants, paraissent vraisemblables et colorées d’apparence de preuves. On y trouve aussi des discours dont les mots sont disposés de manière à émouvoir l’âme ; cette disposition de mots, mêlée à des noms étranges et terribles qui sont, prétendent-ils, les appellations des démons, inspire confiance à ces ignorants. Ils y ajoutent certains signes étranges, certains caractères ; et par tous ces moyens, les imbéciles espèrent acquérir le pouvoir de conjurer les démons ou bien encore de les contraindre d’apparaître sous certaines figures, de donner certaines inspirations, de répondre à certaines questions. Par ces moyens, l’esprit est saisi et frappé de terreur ; une puissante imagination, une fausse crédulité l’altèrent et le tranforment ; l’homme est mis hors du bon sens ; il est plongé dans une sorte de démence, dans une espèce de folie. Dès lors, il croit voir ce qu’il ne voit point, entendre ce qu’il n’entend point ; il porte en lui-même la cause de son erreur… Tout cela se peut produire et s’est souvent produit hors de toute apparition véritable, de toute présence réelle d’un démon, encore que les démons apparaissent parfois vraiment. »

» Que de semblables effets se puissent produire en l’absence de tout démon, en voici une nouvelle preuve[1] : Une foule d’expériences, les auteurs qui ont traité de la Médecine, de nombreuses histoires nous certifient que la même chose arrive, pour diverses causes, dans un grand nombre de maladies et d’espèces de folie ; les malades croient voir des démons, croient entendre toutes sortes de fantômes ; or rien de tout cela n’existe

  1. Nicholai Oresme Op. laud., pars II, cap. XXIX : Argumentatur ad idem ex alteratione et reclusione anime. Ms. cit., fol. 53, col. c.