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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

mensurabilité des mouvements célestes serait de nulle conséquence pour les sciences d’observation comme pour celles qui s’affublent de ce titre ; mais, sous sa plume plus exactement informée, qu’est devenue la condamnation de l’Astrologie ? Elle s’est évanouie ; tout au plus en retrouve-t-on un souvenir vague et presque effacé dans l’interdiction timide, faite à l’Astrologie, de prévoir certains futurs contingents. Même après sa très fine discussion, l’auteur pouvait encore croire à l’Art judiciaire ; et si cet auteur est Pierre d’Ailly, nous pouvons assurer qu’il y croyait.


IV
Le bon sens contre l’Astrologie. — Nicole Oresme


Les considérations de Mathématiques étaient impuissantes à ruiner logiquement les principes de l’Astrologie. Pour jeter bas ce réduit suprême des physiques et des théologies de F Antiquité, il fallait quelque chose de plus puissant encore que la Logique la plus rigoureuse ; il fallait le bon sens.

De ce bon sens, Nicole Oresme fut le porte parole infatigable ; au nom de ce bon sens, il n’a cessé de combattre le charlatanisme et la superstition des magiciens et des astrologues.

C’est à la Magie qu’il s’était, tout d’abord, attaqué dans son traité De figuratione potentiarum et difforrnitatum qualitatum ; il avait consacré bon nombre de chapitres de ce traité à mettre à nu les fraudes des nécromanciens ; et, bien souvent, ces chapitres pourraient être repris, avec de bien légères modifications, contre nos modernes spirites. Il serait trop long de les étudier ici en détail ; nous nous bornerons à quelques citations qui mettront en évidence le sain jugement de l’auteur.

« Je veux maintenant, écrit Oresme au sujet de la Magie[1], mettre à nu la fausseté de cet art malin, et de telle façon que tout homme à l’esprit sain qui aura pesé ce qui est dit ici refuse, à l’avenir, de s’adonner à de tels arts. D’ailleurs, dans une certaine question, par autorités, par raisons, par induction, j’ai

  1. Tractatus de configurationibus qualitatum reverendi doctoris magistri Nicholai Oresme, pars II, cap. XXVI : De fundamento artis magice et prima ejus radice. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 14580, fol. 52, col. d, et fol. 53, col. a.