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LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

une proposition de Mathématiques et une proposition formulée par une science expérimentale ; une proposition de Mathématiques énonce que deux grandeurs sont égales entre elles ; une proposition tirée de l’observation énonce que deux grandeurs sont égales aux erreurs d’expérience près.

De là cette conséquence : Pour un mathématicien, tout rapport est commensurable ou incommensurable ; pour le physicien, du rapport de deux grandeurs observées, on peut indifféremment affirmer qu’il est commensurable ou incommensurable.

Au principe de la Chimie moderne, on trouve cette proposition : Si une certaine substance forme avec un autre corps, l’oxygène, par exemple, des combinaisons diverses, les poids de cette substance qui se peuvent combiner avec un même poids d’oxygène ont, entre eux, des rapports commensurables. C’est la loi des proportions définies, fondement de toute la notion, de toute la classification chimique.

Au principe de la Cristallographie moderne, on trouve cette proposition :

Si une face d’un cristal coupe les trois axes paramétriques de ce cristal à des distances de l’origine qui sont les trois paramètres de ce cristal, toute autre face du même cristal coupera • les axes paramétriques à des distances de l’origine qui seront aux trois paramètres dans des rapports commensurables. C’est la loi des indices rationnels, fondement de toute la notation cristallographique.

On rencontre, , de nos jours, dans les laboratoires et les Sociétés savantes, des gens qui prétendent et soutiennent que la loi des proportions définies, que la loi des indices rationnels sont des vérités directement établies par l’expérience. Pierre d’Ailly où l’auteur, quel qu’il soit, du traité que nous venons d’analyser, n’eût point commis pareille erreur de logique.

La justesse d’esprit de cet auteur est donc très grande ; elle enchérit sur celle même d’Oresme, et l’on serait presque tenté de dire que c’est tant pis ; Oresme avait manqué de sens critique lorsqu’il avait pensé qu’en privant de commune mesure ïes durées des révolutions céïestes, on renversait les fondements de l’Astrologie ; mais cette heureuse erreur nous avait valu la vigoureuse condamnation de l’Astrologie judiciaire que, seul en son temps, le Maître normand a l’audace de formuler ; le maître dont le livre vient de retenir notre attention a usé d’un sens critique plus pénétrant ; il a fort bien reconnu que l’incom-