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LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

de même pour leurs autres aspects ; de même aussi pour les autres planètes.

» En outre, il y aurait une infinité de méridiens sur lesquels ne se trouverait jamais, à proprement parler, l’entrée du Soleil dans le Bélier, ou dans le Cancer, ou bien dans quelque autre signe… Ce sont là conséquences qui ne se produiraient point si l’on admettait l’incommensurabilité des mouvements célestes or, elles ne se voient point ; et il ne convient pas à la beauté de l’Univers que certains points de l’écliptique soient privés de la conjonction des luminaires, ou de telles autres planètes, ou de quelque autre phénomène céleste remarquable. Mieux vaut dire qu’il n’est aucune portion de l’écliptique, si petite soit-elle, où le Soleil et la Lune ne se trouvent quelque jour en conjonction, et de même pour les autres phénomènes ; or c’est ce qui résulte de l’incommensurabilité des mouvements célestes.

» Quant à l’objection tirée de l’ignorance à laquelle les hommes sont, par là, réduits, elle ne conclut pas. Il suffit, en effet, de savoir d’avance qu’une conjonction ou une éclipse se produira à tel degré, à telle minute, à telle seconde, à telle tierce, etc, du premier mobile ainsi que du temps ; il ne nous faut point prédire exactement en quel point ni en quel instant. La mesure du Ciel ne se fait pas à un pouce près, comme dit Pline ; et, selon Ptolémée, nous ne pouvons, en ces sortes de choses, connaître l’instant ad unguem. Celui donc qui a, d’avance, annoncé un résultat tel qu’aucune erreur notable réapparaisse, a suffisamment et bien jugé.

» D’ailleurs, si les hommes connaissaient avec précision tous les mouvements du Ciel, on n’aurait plus besoin de faire aucune observation ni de noter avec un soin vigilant les circulations célestes. Il vaut donc mieux que, de ces choses excellentes, quelque chose nous fût connu, mais que toujours, aussi, il nous restât quelque chose d’inconnu qui servît d’objet à nos recherches ultérieures. Ainsi, par sa douceur, l’avant-goût de la découverte détourne les esprits généreux du souci des çhoses terrestres ; l’excitation du désir les tient sans cesse occupés de l’étude vénérable qui s’adresse à un objet si élevé. Quoi donc ! Si ces mouvements étaient connus avec une exactitude ponctuelle, cette fameuse Grande Année serait non seulement possible, mais encore connue…

» Enfin, il répugne que certains événements à venir soient connus de l’homme ; et, semble-t-il, on attribue à son orgueil le pouvoir d’atteindre à la connaissance des futurs contingents,