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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Étant données un grand nombre de quantités dont les rapports sont inconnus, il est possible que quelqu’une de ces quantités soit incommensurable avec quelqu’une des autres, et cela est vraisemblable. — Contrapositis multis quantitatibus quarum proportio est ignota, possibile et verisimile est aliquam alicui incommensurabilem esse. »

D’après ce principe, on doit regarder comme vraisemblable l’existence, parmi les mouvements célestes, de circulations dont les durées sont incommensurables entre elles.

Réduisant les mouvements célestes à des mouvements circulaires et uniformes, Oresme s’applique à déduire les conséquences de cette proposition ; il montre qu’une configuration, prise une fois par les mobiles, ne sera plus jamais reprise par eux. C’est de cette vérité qu’il s’autorise pour formuler la conclusion que voici[1] :

« Dix-neuvième conclusion. Supposé que tout ce Monde inférieur soit absolument régi par la vertu du Ciel ; que le Ciel se meuve uniformément et d’une manière nécessaire ; que tout advienne par nécessité ; qu’il n’y ait ni hasard, ni fortune, ni volonté libre ; que le Monde soit éternel ainsi que le mouvement ; nul encore ne saurait ni ne pourrait savoir juger d’une manière correcte des événements futurs ; cela serait absolument impossible, sinon par révélation.

» XIXa conclusio. — Supposito quod totus iste mundus inferior oirtute celi penitus regeretur, et celum necessario et uniformiter moveretur, et omnia evenirent de necessitate, et non esset casus nec fortuna nec libertas voluntatis, et mundus esset eternus, et motus, adhuc nullus sciret nec scire posset recte judicare de futuris, sed esset omnino impossibile, nisi per revelationem. »

De cette condamnation de l’Astrologie judiciaire, la plus formelle qui se puisse concevoir, voici la justification donnée par Oresme :

« On ne peut, en effet, former un jugement des évènements futurs si ce n’est par les observations et observances des événements passés. Or, il est vraisemblable qu’aucune disposition à venir des corps célestes n’est pareille à une disposition passée, comme le montre la dixième conclusion. De là suit ce qu’on se proposait d’établir...

» De là, il résulte que la véritable Astrologie est cachée à tous, sauf à Celui qui compte la multitude des étoiles et qui gouverne

  1. Ms. cit., fol. 17, vo.