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CHAPITRE XIV
LES ADVERSAIRES DE L’ASTROLOGIE

I
Une objection scientifique contre l’Astrologie.
Les périodes célestes peuvent être incommensurables entre elles

Lorsque, des terres soumises à l’Islam, on leur eût apporté l’Astrologie, les Docteurs de la Chrétienté latine éprouvèrent, à l’endroit de cette science, des sentiments divers. Encore tout pénétré des enseignements de Saint Augustin, Guillaume d’Auvergne vit avec horreur ces pratiques qui prétendaient, par l’observation des astres, juger du sort’même des religions. Ses successeurs s’accoutumèrent aux principes de l’art judiciaire. Chez un Alexandre de Alès, chez un Albert le Grand, chez un Bonaventure, on ne reconnaît plus cette antipathie qui faisait frémir l’Évêque de Paris. C’est la sympathie qu’on devine chez Thomas d’Aquin pour les principes de l’Astrologie judiciaire, et, chez Roger Bacon, cette sympathie se transforme en une enthousiaste admiration.

Mais, en dépit de la diversité des sentiments qu’ils ont éprouvés, tous ces maîtres ont défini de la même manière l’attitude que l’Église doit garder en présence de l’Astrologie. Pourvu que les jugements d’Astronomie aient soin de sauvegarder la libre arbitre de l’homme, l’Église doit regarder ces jugements comme choses indifférentes qu’elle n’a point à blâmer non plus qu’à approuver. Au contraire, dès là que l’Astrologue prétend soumettre la volonté de l’homme à des lois nécessaires, l’Église le doit condamner.

C’est selon ces règles, posées par les théologiens du xiiie siècle, que sont formulées les condamnations portées contre l’Astrologie, en 1277, par Etienne Tempier. L’héritier de Guillaume d’Auvergne ne frappe point les astrologues de ses anathèmes, tant qu’ils n’assujettissent pas l’âme humaine à l’action directe et fatale des étoiles.

Aussi, après les condamnations de 1277, théologiens et philo-