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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Notre conclusion est encore confirmée par les opérations des autres planètes. Nous voyons, en effet, que quand plusieurs d’entre elles sont conjointes dans un même signe, il se produit ici-bas de grands malheurs ou de grands bonheurs. Par exemple, au temps de Noë, elles étaient conjointes dans le signe des Poissons, et le déluge en est résulté. En d’autres circonstances, elles étaient conjointes dans le Verse-eau ; la peste en est résultée, ainsi qu’un grand nombre de sectes nouvelles.

» Notre conclusion est également confirmée par une expérience faite sur l’aimant. On dit, dans le Traité de l’aimant que si l’on tourne et arrondit une pierre d’aimant en figure de sphère, et qu’on pose ensuite un axe de fer, qui tienne la pierre d’aimant par ses deux pôles ; on verra cette pierre d’aimant tourner sur ces deux pôles toujours dans le même sens, avec une grande vitesse, et d’un mouvement perpétuel, comme le ciel. S’il en est ainsi, c’est qu’il y a, dans cette pierre d’aimant, des vertus semblables aux vertus du Ciel et des diverses parties du Ciel ; et chaque partie de la pierre regarde sans cesse la partie du Ciel à laquelle elle est conforme. Cela n’aurait pas lieu si chaque partie du Ciel n’avait ici-bas, influence sur cette pierre. »

Dans son Epistola de magnete, écrite en 1269, Pierre de Maricourt avait donné un admirable modèle de Physique expérimental ; malheureusement, dans un dernier chapitre, il avait décrit un moyen, purement imaginaire, de réaliser le mouvement perpétuel à l’aide d’un aimant ; c’est à cette rêverie que Thémon vient d’emprunter un argument en faveur de sa thèse.

À cette expérience, Roger Bacon avait déjà fait allusion dans l’Opus majus[1], en 1266 ou en 1267, avant donc que Pierre de Maricourt, qui la lui avait enseignée, eût adressé à Siger de Foncaucourt sa lettre sur l’aimant ; il la mentionnait également dans son Opus minus[2] et dans son Epistola de secretis operibus artis et naturæ[3].

Revenons aux observations que Thémon invoque comme incontestables.

La même conclusion est mise en évidence par les métaux. Chaque planète possède en propre une certaine espèce de métal. Le Soleil, par exemple, possède l’or et a sur lui une influence

  1. Fratris Rogeri Bacon Opus majus ad Clemenlem IV ; Pars VI ; éd. Jebb, p. 465 ; éd. Bridges, vol. Il, p. 203.
  2. Fratris Rogeri Bacon Opus minus (Fr. Rogeri Bacon Opera quædam hactenus inedita, éd. Brewer, pp. 383-384).
  3. Fratris Rogeri Bacon Epistola de secretis operibus artis et naturæ, cap. V et cap. VI ; éd. Brewer, p. 535 et p. 537.