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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

rayons de lumière ne pourraient se propager jusqu’à eux. Bien, donc, qu’au moment de la nuit où il franchit le méridien opposé au nôtre (in angulo noctis), le Soleil n’exerce sur nous aucune action calorifique par des rayons lumineux qui nous apparaissent d’une manière que nous puissions observer, il se peut, cependant, que par d’autres influences et en vue d’autres effets, il ait alors une grande force ; on en peut dire autant de la Lune et des autres planètes. »

Albert de Saxe, à son tour, formule[1] cette supposition :

« Le ciel agit sur les corps sublunaires par trois instruments qui sont le mouvement, la lumière et l’influence.

» Le mouvement, d’abord ; on voit, en effet, au premier livre des Météores, qu’il entraîne avec le feu et aussi l’air qui se trouve plus haut que les montagnes les plus élevées.

» La lumière, ensuite, comme l’expérience nous le manifeste, car, par sa lumière, il échauffe les êtres d’ici-bas.

» L’influence, enfin, car dans les profondeurs de la terre, où n’ont atteinte ni le mouvement ni la lumière du Ciel, certains métaux sont engendrés ; or, cette génération se fait par l’influence du Ciel, qui est une certaine qualité incorporelle (spiritualis) siégeant dans le milieu ; ainsi en est-il de l’espèce (species) de la couleur blanche ou de la couleur noire, car cette qualité, elle non plus n’est pas sensible par elle-même. »

Albert de Saxe assimile donc cette influence qui transmet ici-bas les actions des astres aux lumières diversement colorées qui peuvent traverser un milieu transparent, et dont la couleur ne devient sensible qu’à la rencontre d’un corps opaque.

La pensée simplement indiquée par Jean Buridan et par Albert de Saxe est plus longuement développée par Thémon le fils du Juif dans ses Questions sur les Météores d’Aristote. C’est pour nous l’occasion de dire quelques mots de cet auteur et de cet ouvrage[2].

En 1349, Thémon le fils du Juif, (Temo Judæi), de Münster, subit devant Maître Henri de Herne de Unna, l’examen de

1. Alberti de Saxonia Subtilissimæ quæstiones in libros de Cælo et Mundo ; lib. II, quæst. XII.

2. On trouvera, sur l’un et sur l’autre, de plus asnples détails dans notre étude intitulée : Thémon le fils du Juif, et Léonard de Vinci (Études sur Léonard de Vinci, ceux qu’il a lus et ceux qui l’ont lu, Ire série, V ; pp. 157-220).

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