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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE


X
L’Astrologie à Paris après les condamnations de 1277 (suite). —
Jean Buridan et ses disciples. — Thémon le fils du Juif


Plusieurs docteurs parisiens se sont montrés soucieux d’ôter tout caractère mystérieux à l’action que les astres exercent sur les choses sublunaires ; cette action, ils se sont attachés à l’analyser en physiciens, ils se sont plus à la comparer aux actions qui s’exercent entre corps terrestres ; Guillaume d’Auvergne l’a assimilée à l’action de l’aimant sur le fer ; au gré de Gilles de Rome, elle se propage au travers des orbes célestes comme la décharge électrique de la torpille suit les maillons du filet qui a capturé ce poisson.

Ce désir d’assimiler l’efficace des astres sur les choses d’icibas aux actions physiques qui nous sont familières a conduit Gilles à formuler cette hypothèse : La lumière ne serait-elle pas l’agent par lequel les astres transforment les choses de ce bas monde ?

Cette hypothèse est combattue par les docteurs parisiens dont Jean Buridan est le chef.

Comme Guillaume d’Auvergne, comme Gilles de Rome, ils admettent que les actions exercées ici-bas par les corps célestes sont analogues aux actions que les corps de la terre exercent les uns sur les autres ; mais ils ne croient pas que la lumière suffise à transmettre ces actions du Ciel jusqu’à nous ; il leur faut un véhicule qui pénètre-là même où la lumière ne pénètre pas ; à ce véhicule, ils donnent le nom d’influence (influentia).

À cette influence, Jean Buridan fait déjà une courte allusion dans ses Questions sur les Météores d’Aristote, lorsqu’il y traite des marées.

« Il faut remarquer, dit-il[1], que le Soleil et les étoiles n’agissent pas par leurs lumières, mais bien par d’autres vertus ; autrement, les étoiles et les planètes n’auraient qu’une vertu bien modique sur les naissances, et sur tous les enfants qui naissent dans des chambres closes, car, à l’heure de la naissance, les

  1. Questiones super tres primos libros metheororum et super majorent partem quarti a magistro Jo. Buridam. Lib. II, quæst. III. Utrum mare debeat fluere et refluere. Bibliothèque Nationale, fonds latin, no 14723, fol. 206, col. b.