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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

peut rien faire sans celui en vertu duquel il agit, de même les choses d’ici-bas ne peuvent rien faire sans la force du Ciel. »

Gilles applique, en particulier, ces considérations à la génération des êtres vivants ; il y a dans le germe, au gré de l’Archevêque de Bourges, une vertu spécifique qui rend ce germe propre à donner un animal ou un végétal semblable aux parents qui l’ont produit ; mais cette vertu ne peut atteindre son effet sans y être déterminée et aidée par l’influence que le Ciel envoie ici-bas, lorsque les astres y ont pris une disposition appropriée.

« Ainsi toutes les vertus qui sont ici-bas sont mesurées par les vertus célestes ; aucune espèce n’est produite en ce monde, si ce n’est par suite de la mesure et de la proportion de ces vertus célestes ; toutes les choses sublunaires sont donc des instruments des corps célestes, de même que tous les corps célestes sont des instruments des intelligences qui les meuvent. »

Ce sont préoccupations de physicien que Gilles apporte dans l’étude des actions exercées, en ce monde-ci par, les corps célestes ; mais les physiciens de son temps ne savaient rendre compte d’aucun des effets qu’ils observaient ici-bas sans faire intervenir l’influence des astres ; la Physique ne se pouvait dissocier de l’Astrologie.

Incidemment, Gilles se trouve amené à résoudre ce problème[1] : Des changements sublunaires, ces astres sont-ils les causes ou seulement les signes ? Voici sa réponse :

« Les luminaires célestes sont signes des événements d’ici-bas, parce qu’ils en sont également causes. Il arrive qu’à l’aide de leurs effets, nous émettions des pronostics touchant des événements futurs ; ainsi, lorsque le ciel est rouge le soir, nous pronostiquons le beau temps ; or les corps célestes ne sont pas seulement causes de cette coloration rouge qui est signe de beau temps et en vertu de laquelle nous pronostiquons le beau temps ; ils sont encore causes de ce beau temps que fait l’objet de notre pronostic ; ils sont donc, à la fois, signes et causes. »

Une autre objection fournit occasion à Gilles d’émettre,’ tout aussitôt, les considérations suivantes :

« Dans les choses d’ici-bas, la matière est sujette à de multiples empêchements ; en ce bas monde, donc, les effets des corps célestes ne se produisent pas d’une manière nécessaire… Lorsque l’astronome voit, par les dispositions des corps célestes, qu’un certain effet doit se produire, la pluie, par exemple, ou

  1. Gilles de Rome, loc. cit., dubit. 4a ; éd. cit., fol. sign. ee 4, col. c et d.