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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE


VIII
Les condamnations portées a Paris,
contre l’Astrologie, en 1270 et en 1277


Parmi les quinze propositions que Gilles de Lessine avait déférées au jugement d’Albert le Grand, treize furent condamnées, le 10 décembre 1270, par Étienne Tempier, évêque de Paris[1]. La troisième et la quatrième étaient ainsi formulées :

Quod voluntas hominis ex necessitate vult et eligit.

Quod omnia, quæ hæc inferius aguntur, subsunt necessitati corporum cælestium.

Ce sont celles que nous venons d’entendre réfuter par Albert le Grand et par le Tractatus de necessitate et contingentia causarum.

Ces condamnations n’atteignaient point les astrologues s’ils se tenaient en deçà des bornes que les théologiens avaient imposées à leur art ; ils n’étaient frappés que s’ils avaient l’audace de franchir ces limites, si leur prétention à juger même des futurs contingents les amenaient à nier le libre arbitre humain et à proclamer le fatalisme universel.

Afin qu’on pût distinguer entre l’Astrologie licite et l’Astrologie coupable, le décret de 1270 s’était borné à poser une règle générale ; cette règle ne différait point de celle que Thomas d’Aquin avait tracée à frère Réginald ; elle résumait l’enseignement de tous les théologiens du xiiie siècle.

Le décret de 1277 ne jugea pas que cette indication générale fut suffisante ; il pénétra dans le détail ; il s’appliqua à condamner diverses propositions astrologiques qui tombaient sous le coup de l’anathème porté en 1270 ; mais il n’étendit nullement, par là, la portée de cet anathème ; ce qu’il déclara coupable, dans les thèses des astrologues, c’est tout ce qui nie la liberté, tout ce qui suppose une action directe des astres sur l’âme humaine ; il ne décida rien qui gênât les pratiques de l’art judiciaire, pourvu que celui-ci se contentât de pronostiquer ce qu’Abailard nommait des futurs naturels.

Saint Thomas d’Aquin avait combattu cette doctrine fournie aux astrologues par le Néo-platonisme : Le Ciel est maître

  1. Denifle et Châtelain Chartularium Unioersitatis Parisiensis, t. I, pp. 486- 487.