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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

nira. En une discussion quolibétique ultérieure, on lui pose cette question : « Dieu peut-il faire que le vide existe ? [1] » À cette question, il répond par rafïirmative et, pour justifier sa réponse, il reprend, bien qu’avec moins de développement et, aussi, moins de profondeur, les considérations que nous venons d’analyser.

À ce propos, il imagine que Dieu anéantisse tous les éléments compris entre la terre et l’orbe de la Lune, sans rien changer à la grandeur et à la situation de ces deux derniers corps. Entre ces deux corps, le vide existera, mais il existera seulement par accident. Cette existence purement accidentelle consistera en ceci que Dieu pourrait rendre l’existence actuelle aux éléments détruits, et que cette eau, cet air, ce feu, trouveraient place entre la terre et l’orbe de la Lune. L’épaisseur de la couche sphérique que formeraient ces trois éléments susceptibles de se loger entre l’élément terrestre et l’orbe lunaire serait la distance par accident de ces deux derniers corps.

Le Docteur Solennel s’efforce de distinguer[2] entre le vide (vacuum) tel qu’il vient d’être défini et le néant (nih.il) qui est hors du Monde. Hors du ciel, dit-il, le vide n’existe pas, même par accident ; « là, en effet, il n’y a pas de distance par accident, car il n’êxiste aucun corps susceptible d’être reçu en un certain vide intermédiaire. » Hors du ciel, donc, comme le voulait le Philosophe, il n’y a ni plein ni vide.

« Après qu’un nouveau corps ou qu’un autre monde aurait été créé par Dieu, hors du dernier ciel et sans contact avec le ciel, entre ce corps ou ce monde et le ciel ultime, nous aurions à déclarer que le vide existe 1 et ce vide aurait une dimension bien déterminée, à savoir celle du corps qui pourrait être reçu entre le ciel extrême et le corps nouvellement créé ; mais ailleurs qu’entre ce ciel et ce corps, nous ne pourrions dire qu’il y ait le vide ; de même qu’à présent, au delà du ciel ultime, nous ne pouvons dire ni qu’il y ait le plein ni qu’il y ait le vide, mais seulement qu’il y a le pur néant…

» Si donc Dieu créait maintenant, hors du ciel, un corps qui ne touchât pas le ciel, ce corps ne serait créé ni dans le plein ni dans le vide, mais dans le pur néant ; et du côté qui ne regarde pas le ciel, ce corps continuerait de subsister dans le néant absolu, ce mot néant étant pris comme une pure négation ;

1. Henrici a Gandavo Op. laud., quodlib. XV, quæst. I : Utrum Deus possit facere quodvacuum esset. Ed. cit., fol. CGCCCLXXV, verso.

2. Henrici a Gandavo Op. laud. ; quodlib. XIII, quæst. III.

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