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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

ont ensemble. Quar, si cum j’ai dit meintes foiz, la humaine condition ensuit ordenéement les afïecz et les cours et le ordènement del cercles et des cors et des estoiles célestians. »

Lorsqu’un homme va trouver un maître « astrologien » pour lui poser une question, il s’imagine qu’il agit de son plein gré ; point du tout ; c’est la sphère céleste qui, par la ressemblance qu’elle a avec l’âme du demandeur, a mis celui-ci en mouvement, en a tiré vers elle l’entendement et la pensée et, mot pour mot, lui a suggéré la question qu’il devait poser. Contre l’avis des théologiens, d’un Saint Thomas d’Aquin, par exemple, la force des astres engendre directement des pensées dans l’intelligence de l’homme et contraint celui-ci d’accomplir les actions auxquelles elle tend.

Que les gardiens de la foi se soient inquiétés de telles doctrines ; qu’ils aient pris garde au venin fataliste que distillaient les traités des astrologues, lors même que ceux-ci s’affirmaient chrétiens, on ne saurait s’en étonner. S’ils ne s’en étaient pas souciés, ils eussent’gravement manqué à leur mission.


VII
Les QUINZE PROBLÈMES d’Albert le Grand.
Le traité DE NECESSITATE ET CONTINGENTIA CAUSARUM


Ils n’y manquèrent pas.

Au temps où l’astrologue de Baudoin de Courtenay rédigeait son Introductoire d’Astronomie, le fatalisme, avoué ou clandestin, des traités d’Astrologie commençait à porter ombrage à la vigilance des autorités ecclésiastiques.

Au voisinage de l’an 1270, Gilles de Lessines consulte Albert le Grand au sujet de quinze propositions que soutiennent certains maîtres renommés en philosophie, et qui font grand scandale dans les écoles de Paris. Parmi ces quinze propositions se trouvent les suivantes, qui occupent le troisième rang et le quatrième rang[1] :

  1. Alberti Magni De quindecim problematibus (Pierre Mandonnet Op. laud., IIe partie, p. 29).