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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

« Si quelqu’un appelle Destin la vertu ou le pouvoir de Dieu, » qu’il garde son avis, mais qu’il corrige son langage. »

N’est-ce pas ce qu’avaient fait l’auteur des Tables de Marseille, l’auteur du Speculum Astronomiæ ?


V
Le traité DE ERRORIBUS PHILOSOPHORUM


Les docteurs chrétiens du xiiie siècle s’accordaient à permettre l’Astrologie pourvu qu’elle maintînt sains et saufs les droits du libre arbitre. Mais nombre d’astrologues, sans aucun doute, ne se soumettaient pas de bonne grâce à cette condition ou même la rejetaient entièrement. Ils faisaient, en effet, un continuel usage des écrits astrologiques composés par les Arabes ; or si, parmi ces écrits, quelques-uns, comme l’Introductorium d’Albumasar, faisaient une place aux futurs contingents, la plupart admettaient le fatalisme absolu que professait un Avicenne ; aux mouvements célestes ils enchaînaient tous les événements d’ici-bas par les liens d’un déterminisme rigoureux. Ainsi faisait Al Kindi dans son traité De theoria artium magicarum, et les propositions, négatrices de toute liberté, que contenait ce traité, méritaient d’être signalées par l’ouvrage qu’un auteur inconnu a intitulé De erroribus philosophorum[1].

L’ensemble des thèses que le traité De erroribus philosophorum relève, pour les condamner, dans le livre d’Al Kindi, forme une théorie du fatalisme qu’un Chrysippe n’eût pas désavouée.

« Il affirme[2] que les évènements futurs dépendent, absolument et sans aucune condition, de l’état des corps célestes. Aussi dit-il, au chapitre intitulé De radiis stellarum, que celui qui connaîtrait en entier la condition de l’harmonie céleste, connaîtrait pleinement tous les événements tant passés que futurs…

» Il croît que tout individu éprouve l’effet de toutes les causes qui sont dans le Monde ; il en résulte que toute cause et tout

  1. Incerti Auctoris Tractatus de erroribus philosophorum, cap. X : De collectione errorum Alkindi. [Pierre Mandonnet, O. P., Siger de Brabant et l’Averroïsme latin au XIIIe siècle. IIe Partie, Textes inédits. Louvain (collection : Les Philosophes Belges) 1908].
  2. Incerti Auctoris Tractatus de erroribus philosophorum, cap. X, 1, 2, 3, 4, 5 ; éd. cit., pp. 18-19.