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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Bacon connaissait ce Liber de cursibus planetarum et lui empruntait ’cette explication de F Astronomie judiciaire. L’auteur du Spéculum, astronomicum ne pouvait pas ne pas avoir lu ce livre, puisqu’il connaissait et citait les Tables de Marseille[1].

Cette justification de l’Astrologie ne semble pas contraire, d’ailleurs, au sentiment des théologiens du xiiie siècle et, en particulier, de Saint Thomas d’Aquin.

Celui-ci, par exemple, examinant « si le Destin existe et ce qu’il est[2] », rappelle d’abord la définition stoïcienne du Destin, qui le ramène à un déterminisme où les causes s’enchaînent de la définition la plus rigoureuse ; il expose ensuite la conception astrologique qui cherche, dans les corps célestes, la cause nécessitante de tout événement d’ici-bas ; puis il écrit :

« D’autres, enfin, ont voulu ramener à une disposition de la divine Providence tout ce qui paraît, ici-bas, arriver par hasard ; ils ont dit, alors que tout était mené par le Destin, nommant Destin cet ordre (ordinatio) que la divine Providence a mis dans les choses.

» Ainsi Boëce disait : « Le Destin est une disposition par laquelle la Providence divine les enchaîne à ses ordres. »

» Dans cette définition du Destin, disposition est pris dans le sens d’ordre (ordinatio).

» Boëce dit que cette disposition est inhérente aux choses, afin de distinguer le Destin de la Providence ; la Providence, en effet, c’est cet ordre en tant qu’il réside dans la pensée divine et qu’il n’est pas encore imprimé dans les choses ; lorsqu’il est déjà développé au sein des choses, il reçoit le nom de Destin.

» Enfin Boëce dit : Dans les choses mobiles, afin de montrer que l’ordre imposé par la Providence n’enlève point aux choses, comme certains Font pensé, la mobilité et la contingence.

» En ce sens, nier le Destin, ce serait nier la Providence divine.

» Mais nous ne devons avoir rien en commun, avec les infidèles, pas même les noms, de peur que le commun usage des noms ne nous soit une occasion d’erreur. Il ne faut donc pas que les fidèles usent du nom de Destin, afin de ne pas sembler partager, au sujet du Destin, la fausse opinion de ceux qui soumettaient toutes choses à la nécessité imposée par les astres. Aussi Saint Augustin dit-il, au Ve livre de la Cité de Dieu ;

  1. Speculum astronomicum, cap. II.
  2. Sancti Thomæ Aquinatis Summa contra gentiles, lib. III, cap. XCIII : De ato, an sit et quid sit.