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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

même qu’ils auraient indiqué qu’il la donnera, il pourra ne pas la donner ; en effet, le pouvoir de choisir (electio) demeure en lui.

» Il se trouve que l’astronome n’a pas prononcé cette affirmation : Il donnera. Il a seulement affirmé ceci : La figure de l’interrogation signifie qu’il donnera. Mais, au sujet de ce qui a été signifié de la sorte, il y a encore lieu de se demander : Cela sera-t-il ou bien cela ne sera-t-il pas ? Ne sera-ce pas ? Dans ce cas, le magistère de l’Astrologie est faux. Sera-ce ? Alors cela ne peut pas ne pas être. » Et voilà nié le libre arbitre.

L’auteur reprend alors la définition de la contingence ; il cite, à ce propos, Albumasar et Aristote, et son exposition nous montre qu’il avait soigneusement lu ces philosophes ; mais leurs dires ne lui paraissent pas dissiper la difficulté qui le préoccupe ; voici donc ce qu’il nous propose à titre de conclusion :

« Celui qui examinera ce doute avec grand soin le trouvera peut être identique au doute qui porte sur la divine Providence ou, tout au moins, de même genre que celui-ci. En effet, dans les œuvres que Dieu accomplit par l’intermédiaire du Ciel, la signification du Ciel n’est pas autre chose que la Providence de Dieu ; dès lors, des événements dont nous sommes le principe, rien n’empêche que le Ciel ne contienne, non pas la cause, mais la signification ; entre les deux parties d’une alternative, l’homme peut choisir l’une ou l’autre ; mais Dieu savait de toute éternité laquelle des deux il choisirait ; partant, dans ce livre de l’Univers qu’est la voûte des Cieux, il a pu, s’il le voulait, signifier ce qu’il savait ; dès lors, s’il l’a fait, il revient au même d’expliquer la compossibilité du libre arbitre avec la Providence divine et avec la signification des interrogations astrologiques ; si la divine Providence peut Subsister en même temps que Je libre arbitre, on ne peut anéantir et on n’anéantira pas l’affirmation que le magistère des interrogations demeure avec le libre arbitre ; comment, d’autre part, se peut anéantir le doute relatif à la divine Providence, c’est question que je crois devoir laisser pour une autre occasion. Je ne veux pas dire, toutefois, qu’on connaisse par le Ciel toute chose qui ne demeure point cachée à la divine Providence ; le Ciel, en effet, est bien loin au-dessous d’elle. »

Cette doctrine, qui justifie les prédictions astrologiques à l’aide d’une harmonie, préétablie par la divine Providence, entre les mouvements célestes et les événements d’ici-bas, cette doctrine, disons-nous est exactement celle que proposait le préambule des Tables de Marseille. Nous avons vu que Roger