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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

éléments sont plus faiblement actifs que ne le sont les outils à l’égard de Partisan, que ne le sont, par exemple, la hache et la cognée à l’égard du charpentier ; sans doute, tout se fait, icibas, par les qualités des éléments ; mais ces qualités ne sont, à l’égard du Ciel, que ce que sont les outils à l’égard de l’artisan ; si donc, à l’égard de son œuvre, l’artisan est, à la fois, l’agent principal et universel, et l’agent particulier, ainsi, et plus encore, en sera-t-il du Ciel à l’égard de toute chose qui doit être engendrée.

» Averroès, de son côté, dit, au VIIe livre de la Métaphysique, que la vertu du Ciel fait, au sein de la matière en putréfaction, ce que la vertu du père fait au sein de la semence ; partant, les êtres qui sont engendrés par la putréfaction, bien qu’animés, sont faits immédiatement par le Ciel ; à bien plus forte raison en est-il de même des choses inanimées.

» Il n’en est pas seulement ainsi des êtres qui naissent de la putréfaction, mais encore de ceux qui sont engendrés par voie de propagation. Aristote dit, en effet, au livre Des végétaux, que le Soleil est le père des plantes et que la Lune en est la mère. Au sujet des hommes et des animaux, Aristote dit que l’homme est engendré par l’homme et par le Soleil ; mais Averroès affirme qu’à cette production d’un homme, le Soleil contribue plus que l’homme ; la vertu du Soleil, en effet, se maintient dans la semence, du commencement à la fin de la génération, tandis qu’il n’en est pas ainsi de la vertu du père ; cette vertu-ci n’agit qu’un instant, au moment de l’émission de la semence ; elle ne pourrait donc rien faire sans le secours de la vertu continuellement propagée et diffusée par le Ciel ; c’est cette dernière vertu qui règle la génération.

» C’est donc du Ciel que toutes choses tiennent leurs complexions diverses. »

Maître de toutes les générations, de toutes les destructions, de toutes les altérations qu’éprouvent les corps d’ici-bas, le Ciel exerce par là une puissante influence sur les déterminations des volontés humaines ; l’âme, en effet, laisse glisser son choix dans le sens où penche la complexion du corps ; mais cette séduction du Ciel sur l’âme par l’intermédiaire des dispositions corporelles n’est pas une nécessitante contrainte ; le libre arbitre demeure sauf. Si, plus encore que les grands théologiens du xiiie siècle, que les Saint Bonaventure et les Saint Thomas d’Aquin, Bacon se complaît à constater et à décrire l’intervention des astres dans tous les événements d’ici-bas, les