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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

ici ; mais ces actions se peuvent produire bien plus puissantes quand la vertu du Ciel y concourt spécialement.

» L’expérimentateur n’accomplit pas seulement certaines opérations ; il compose aussi et profère, en de tels temps, des paroles qui reçoivent, à la fois, la vertu du Ciel et la vertu de l’âme et qui, tant qu’elles durent, produisent des altérations plus fortes que les œuvres ; parler, en effet, est l’œuvre principale de l’âme raisonnable. Mais les paroles durent peu, à moins qu’on ne les écrive ; aussi les œuvres agissent-elles plus longtemps ; on peut, toutefois, écrire les paroles ; elles dureront alors autant que les œuvres.

» Ainsi la Science expérimentale accomplit toutes ces choses jouant le rôle principal et agissant en maîtresse ; en cette circonstance, l’Astronomie est à son service, comme elle est au service de la Médecine, lorsqu’il s’agit de déterminer le temps propice aux saignées ou aux médecines laxatives. »

Peut-être dirait-on que Bacon vient de montrer comment les influences astrales doivent seconder les opérations de la Science expérimentale, mais non de l’Alchimie, dont il n’a pas prononcé le nom. À cela, ce texte répondra[1] :

« La Philosophie naturelle, la Médecine et l’Alchimie communient entre elles par leurs racines ; aussi ai-je feint d’exposer ces racines comme si elles étaient seulement propositions de Physique et de Médecine, tandis qu’elles sont propositions d’Alchimie. »

Toute science, au gré de Bacon, fait appel aux lumières de l’Astrologie ; la Théologie y trouve une auxiliaire, tandis que la Médecine et l’Alchimie ne sauraient opérer sans son aide. C’est que le Ciel est vraiment, pour notre auteur, l’« agent universel » dont la coopération intervient dans tous les changements corporels de la sphère sublunaire ; sans l’excitation de cet agent, les corps graves ne tomberaient pas[2], les diverses substances ne se joindraient pas les unes aux autres pour éviter le vide[3].

« Nous savons d’une manière certaine[4], par Aristote, que le Ciel n’est pas seulement la cause universelle des choses d’ici-bas, mais qu’il en est encore la cause particulière. Aristote dit en effet, au second livre De la génération, qu’à l’égard du Ciel, les

  1. Roger Bacon Op. laud., éd. Quaracchi, p. 183 ; éd. Little, p. 82.
  2. Voir : pp. 70-74.
  3. Voir : pp. 145-146.
  4. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, pars IV ; éd. Jebb, p. 259 ; éd. Jebb, p. 259 ; éd. Bridges, vol. I, pp. 287-288.