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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

s’agissait de donner la pleine démonstration du rite chrétien, c’est qu’ils n’avaient pas été formés dans son sein ; leur accord avec nous et la confirmation qu’ils apportent à la foi que nous professons méritent d’être loués. »

Quitterons-nous Bacon sans dire quelques mots d’une science qui était, pour lui, l’objet d’une sorte de prédilection, d’une science qu’il recommandait au pape Clément IV dans un grand nombre d’écrits[1], sans parler de l’Alchimie ? Si nous parlons ici de l’Alchimie, d’ailleurs, ce sera seulement pour remarquer que Bacon la plaçait, elle aussi, dans la dépendance de l’Astrologie.

De cette affirmation, nous nous contenterons de citer une seule preuve ; elle sera assez claire pour nous dispenser de toute autre.

Bacon chante les louanges[2] de ce qu’il nomme la Science expérimentale ; il vient de dire comment la Mathématique doit se mettre aux ordres de cette science, afin de lui procurer les instruments que requièrent ses opérations ; il poursuit en ces termes :

« De même, elle ordonne à l’astronome de choisir les dispositions astrales bien définies que réclame l’expérimentateur : et alors, sous ces constellations, l’expérimentateur fabrique des œuvres, prépare des aliments et des médecines à l’aide desquels il lui est possible d’altérer la complexion de toute personne, de l’exciter à tout acte qu’il souhaite de lui voir accomplir, sans contraindre, toutefois, le libre arbitre de cette personne.

» Une nourriture, une boisson, une médecine, en effet, modifient la complexion, l’état de santé ou de maladie de l’homme ; elles modifient la complexion à tel point que l’âme suit l’inclination du corps, sans y être cependant forcée, et c’est de son plein gré qu’elle veut ce vers quoi penche la complexion corporelle ainsi modifiée. Par là, l’homme tout entier peut être changé dans ses qualités intellectuelles et morales, dans ses habitudes, en toutes choses ; il peut être rendu prudent, joyeux, ami des bonnes mœurs, de la paix de la justice ; il peut aussi être excité en un sens contraire à celui-là. De même en est-il

  1. Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon, Quaracchi, 1909, pp. 183-184. — Part of the Opus tertium of Roger Bacon, éd. Little, pp. 81-82.
  2. Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon, Quaracchi, 1909, pp. 155-156. — Part of the Opus tertium of Roger Bacon, éd. Little, pp. 52-53.