Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/388

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

sort des six religions ; par de belles raisons, ils ont attribué ces religions aux diverses nations que j’ai précédemment énumérées ; c’est ce que j’ai exposé dans la quatrième partie [de l’Opus majus], où j’ai considéré les rapports de la Mathématique avec l’Église ; je l’ai fait en vue de cette confirmation glorieuse de la religion chrétienne, à laquelle les astronomes, à cause de la conjonction de Jupiter avec Mercure donnent le nom de mercuriale

» Ce n’est pas que la religion chrétienne ait les planètes pour causes ; elles n’en sont que les signes ; ce n’est pas, non plus, que les hommes deviennent chrétiens par les vertus des planètes ; ils le deviennent par la grâce de Dieu.

» De même que les actions des Hébreux ont été des signes de cette loi chrétienne, de même en est-il des corps célestes, afin que toute créature apporte son témoignage à cette loi impériale.

» De même encore, au temps de la naissance du Seigneur, une étoile apparût, non à titre de cause, mais à titre de signe.

» Semblablement, c’est la grâce de Dieu qui fait les chrétiens ; néanmoins, les complexions des hommes les excitent à suivre les mœurs diverses et les diverses religions ; selon la complexion dont il est doué, un homme reçoit plus aisément telle loi et y adhère avec plus de fermeté ; la complexion coopère donc à la grâce de Dieu. De même voyons-nous des hommes que leur bonne complexion rend bons et pacifiques ; par l’effet de cette bonne complexion, ils sauvegardent plus aisément leur propre paix et celle des autres ; cette paix, cependant, c’est la grâce de Dieu qui en est la cause principale. »

Telles sont donc les raisons qui permettront à Bacon de répéter, sans aucune impiété, ce que les astrologues ont pu dire de l’horoscope des religions.

Il aura soin d’ailleurs, de passer leurs propos au crible de l’orthodoxie, afin de n’y rien laisser d’hérétique : « Tout ce qu’ils disent en ce domaine[1], il le faut ramener à la règle de la foi, afin d’en chasser tout désaccord avec la vérité catholique. Les astronomes, en effet, ne suffisent pas à manifester tous les mystères de cette religion, et à les montrer pleinement ; ils rendent cependant, un beau témoignage de l’existence de cette religion et de ce qu’elle est en général ; l’admiration que nous cause leur science est donc assez grande pour que nous excusions aisément leur ignorance ; s’ils se sont trouvés en défaut lorsqu’il

  1. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, Pars IV ; éd. Jebb, pp. 168-169 ; éd. Bridges, vol. I, p. 268.