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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

du bon plaisir de sa volonté. Ainsi est-il dit au Livre des cours des planètes. — Ita dicitur in libro de cursibus planetarum. »

Ce Livre des cours des planètes, qui s’y prenait de la sorte pour rendre les prédictions astrologiques acceptables aux Chrétiens, il ne nous est pas inconnu. C’est sous ce titre, qu’en 1140, Fauteur des Tables de Marseille désignait le traité qu’il avait mis au devant de ces tables. C’est à la pensée de cet auteur, reflet de la doctrine de Plotin, que Bacon emprunte le moyen d’innocenter l’horoscope des religions.

À ce moyen, d’ailleurs, il en adjoignait un autre : « On dit, en outre, que la volonté ne peut être contrainte, mais que le corps est modifié par les vertus des Cieux ; alors l’âme, qui est unie au corps est fortement excitée et efficacement conduite, sans que rien la contraigne d’ailleurs, à vouloir suivre de son plein gré le penchant que le corps éprouve vers des actions publiques ou privées, bonnes ou mauvaises ; c’est ainsi que quelque homme, renommé parmi le peuple et doué d’une grande puissance peut introduire des opinions, des doctrines religieuses, des changements de coutume, conformément à ce que Dieu a prévu et connu d’avance ; de cette manière, donc, les planètes ne sont pas seulement des signes ; par l’excitation qu’elles produisent, elles exercent une certaine action. »

Cette justification de l’horoscope des religions, Bacon avait soin de la rappeler lorsqu’en son Opus tertium, il résumait les diverses parties de l’Opus majus.

« Les planètes, disait-il[1], altèrent toutes les propriétés naturelles de ce monde ; elles sont causes de la complexion de chacun des hommes ; par conséquent, elles excitent tout homme à suivre telle coutume et telle religion, sans l’y contraindre toutefois, comme je l’ai, naguère, dit et démontré dans l’Opus majus. En toutes circonstances, la liberté du choix est sauvegardée, bien que la complexion corporelle, altérée par les vertus des étoiles, incline et excite puissamment l’âme humaine, au point que celle-ci veuille suivre cette complexion et ces vertus ; mais elle les suit de son plein gré et, avant tout, le libre arbitre demeure sauf. Mais tout cela, je l’ai suffisamment exposé ailleurs ; maintenant, donc, je l’admets.

» Selon ces principes, les philosophes ont examiné, d’après les conjonctions de Jupiter avec les autres astres errants, le,

  1. Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon, Quaracchi, 1909 p. 169. — Part of the Opus tertium of Roger Bacon, éd. Little, p. 66.