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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

veux donc me borner à proposer l’exemple de trois cas qui sont d’une merveille infinie et d’une indicible utilité.

» Le premier consiste en une preuve de la foi que l’Église tient pour vraie.

» Nous pouvons, en effet, trouver une grande consolation pour notre foi dans ce fait que des philosophes, conduits par le seul mouvement de la raison, épousent notre sentiment, confirment la religion ou profession de la foi chrétienne, et s’accordent avec nous pour consolider cette religion ; ce n’est pas que nous nous proposions de raisonner avant de croire ; nous voulons seulement raisonner après avoir cru, afin qu’assurés de la vérité par une double confirmation, nous louions Dieu de notre salut, dont nous tenons l’indubitable certitude.

» Par la voie de la Mathématique, nous ne sommes pas seulement assurés de la foi, dont nous faisons profession ; nous sommes encore prémunis contre la secte de l’Antichrist, qui se trouve, dans la Mathématique, considérée en même temps que la religion du Christ. Cette très noble recherche se fait en étudiant la révolution de toutes les principales religions qui se sont succédées depuis le commencement du Monde. »

C’est donc de l’horoscope des religions que Bacon va, d’après Albumasar, entretenir le pape Clément IV ; c’est cet horoscope qu’il lui va présenter comme une des preuves les plus convaincantes données par la raison humaine en faveur de la foi chrétienne.

Une telle pensée porte bien la marque de Bacon. Un des grands soucis de ce docteur est d’amener à l’Apologétique les auxiliaires les plus inattendus.

Ici, nous le voyons découvrir, dans les écrits des philosophes païens, des textes qui enseignent[1]. « Dieu, la bienheureuse Trinité, l’incarnation du Fils de Dieu, le Christ, la sainte Vierge, les anges, les démons, le jugement dernier, la gloire céleste, les peines infernales, la condamnation des mauvaises religions, quelle est la bonne, comment elle doit être prouvée, quelles en sont les conditions, quels sont les articles de foi, comment on

  1. Rogeri Bacon, Compendium studii Philosophiæ (Rogeri Bacon Opera quaedam hactenus inedita. Éd. J.-S. Brewer, London 1859, p. 424). — Cf. Opera hactenus inedita Rogeri Bacon. Fasc. I. Metaphysica Fratris Rogeri Ordinis Fratrum Minoram. De viciis contractis in studio Théologie. Omnia quæ supersunt nunc primum edidit Robert Steele. London, s. d. — Fratris Rogeri Bacon Operis majoris, Septima pars principales : Moralis philosopbia. Pars I, éd. Bridges, vol. II, pp. 228-249 ; pars IV, ibid, pp. 381-396.