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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

» Bien profonde est donc l’altération que notre corps éprouve de la part des vertus célestes ; partant, l’esprit est fortement excité à produire certains actes, encore qu’il n’y soit pas contraint. C’est là ce qui donne eours au jugement de l’astronome, et non l’infaillibilité ni la nécessité.

» Et voici qui vient grandement au secours de l’astronome : Il voit les hommes, dans leurs actions, suivre la plupart du temps les complexions qu’ils possèdent ; le bilieux se met facilement en colère ; il ne peut toujours réfréner son premier mouvement ; et il en est de même des autres hommes, selon la diversité de leurs complexions. L’astronome voit les hommes suivre leurs complexions qui, comme le monde de la génération tout entier, ont l’opération des Cieux pour origine ; il n’est donc pas étonnant qu’il étende ses considérations jusqu’aux actes humains…

» Ainsi, non seulement touchant les phénomènes naturels, mais aussi touchant les actes humains, l’astronome expérimenté peut considérer beaucoup de choses passées, présentes et futures. Tout au moins, touchant les royaumes et républiques, il peut formuler des jugements soit d’après les corps célestes, soit d’après les corps qui suivent les corps célestes et sont renouvelés par des vertus spéciales des Cieux ; telles sont les comètes, tels les autres météores de même sorte. Il est plus facile, en effet, de porter un jugement sur une communauté que sur une personne isolée, car le jugement relatif à la communauté est un jugement universel, et l’astronome a bon pouvoir pour les jugements universels…

» L’astronome prudent peut donc produire, dans ce domaine, nombre de considérations utiles touchant les mœurs, les religions, les sectes, les guerres, la paix, et autres choses de ce genre ; il rencontre une plus grande difficulté lorsqu’il lui faut juger des actions d’une personne isolée…

» Toutefois, les complexions, les infirmités, la santé, font varier les volontés des hommes, leurs désirs, leurs considérations ; sans les contraindre, elles les sollicitent fortement ; c’est manifeste ; alors, l’astronome prudent peut, avec prudence, juger des actes moraux, qu’accomplira une personne isolée, le libre arbitre de cette personne demeurant sauf, toutefois, en toutes circonstances ; dans nombre de cas, il pourra formuler un jugement aussi certain que le comporte la matière traitée ; cette matière, en effet, n’est point nécessaire, mais contingente ; on ne peut donc dire que tel ou tel événement adviendra d’une