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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE


III
Roger Bacon et l’Astrologie


La doctrine que Roger Bacon professe au sujet des principes de l’Astrologie est identiquement celle que Saint Thomas d’Aquin enseignait ; pour soutenir les mêmes thèses, elle invoque, la plupart du temps, les mêmes autorités profanes ou sacrées et, bien souvent, elle s’exprime dans les mêmes termes.

L’objet que Bacon se propose lorsqu’au cours de l’Opus Majus, il traite des jugements astrologiques[1], c’est de distinguer l’Astrologie licite de l’Astrologie illicite, ou, selon son langage, la Mathématique véritable de la fausse Mathématique, ’de la Mathématique des magiciens.

« C’est surtout, dit-il[2], au sujet des jugements d’Astronomie qu’on attaque la Mathématique. Beaucoup de gens qui ignorent le pouvoir de la philosophie et la grande utilité qu’elle offre à la Théologie, repoussent, aussi bien d’une façon relative que d’une manière absolue, les considérations des mathématiciens ; leur hostilité met obstacle à l’étude de la Sagesse et lui cause, en cette partie, un grave dommage ; aussi veux-je ici ramener leur intention à la vérité et faire disparaître l’infamie dont ils notent la véritable Mathématique.

» Dans les écrits des Saints, donc, les théologiens ont trouvé nombre de propos contre les mathématiciens ; quelques-uns d’entre eux, ignorant également la Mathématique véritable et la fausse Mathématique, ne savent, de la fausse, distinguer la véritable, et alors ils s’autorisent des Saints pour inculper la véritable en même temps que la fausse. »

Quelles sont donc les marques de la fausse Mathématique, de la Mathématique des magiciens ?

La fausse Mathématique « suppose[3] que tout arrive nécessairement par la force des étoiles, que rien n’est contingent (ad utrumlibet), que rien ne provient du hasard ni de la fortune, rien du choix volontaire. Tout cela se trouve expressément affirmé dans les livres de la Magie.

  1. Fratris Rogeri Bacon Opus Majus ad Clementem IV, pontificem Romanum, Pars IV, Ed. Jebb, pp. 150-159. — Ed. Bridges, vol. I, pp. 238-269.
  2. Roger Bacon, loc. cit. ; éd, Jebb, p. 150 ; éd. Bridges, vol. I, p. 239. — Cf. éd. Jebb, p. 156 ; éd. Bridges, vol. I, p. 248.
  3. Roger Bacon, loc. cit., éd. Jebb, p. 151 ; éd. Bridges, t. I, pp. 240-241.