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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

a eu une cause, mais qu’il n’en résultait pas d’une manière nécessaire, car il eût pu être empêché par le concours accidentel de quelque autre cause. Bien que cette cause-ci se doive, de son côté, ramener à quelque cause plus élevée, toutefois, le concours des deux causes, qui a produit l’empêchement, ne se peut ramener à aucune cause. On ne peut donc pas dire que ce qui a empêché tel ou tel effet de se produire procède de quelque principe céleste. Partant, il ne faut point dire que les effets des corps célestes se produisent nécessairement ici-bas. »

À l’appui de cet opinion, Thomas d’Aquin rappelle ce que Ptolémée disait dans la Syntaxe en quatre livres[1]. Le rapprochement est légitime. La pensée du théologien est, ici, évidemment la même que celle de l’astrologue.

Cette pensée, un déterministe comme Chrysippe ou Avicenne ne la tiendrait pas pour vérité ; des deux causes qui s’empêchent l’une l’autre, il nierait que le concours fût irréductible à une cause plus élevée ; de l’existence de ces deux causes et de leur concurrence, il demanderait la raison à la loi universelle du Destin ou au gouvernement que les mouvements célestes exercent sur toutes les choses d’ici-bas. Pour échapper à leur riposte, il faut rejeter le principe même dont ces philosophes s’autorisent ; il faut admettre que certaines causes sont libres de produire ou de ne pas produire certains mouvements au sein du monde sublunaire et que, des deux séries de causes qui interfèrent, l’une au moins, à son point de départ, présente une des ces causes données de liberté ; à cette condition, mais à cette condition seulement, on pourra déclarer que le concours de ces deux séries de causes n’est point nécessité par une autre cause plus haut placée, qu’il est purement contingent.

Dans le monde sublunaire, donc, tout serait nécessaire et la contingence se trouverait aucune place s’il ne s’y rencontrait des êtres doués de libre arbitre. Il ne semble pas que Saint Thomas d’Aquin soit prêt à souscrire à cette affirmation. Il paraît vouloir admettre une certaine indétermination au sein de la sphère des éléments, et l’y laisser subsister même en l’absence de toute volonté libre ; les corps doués de matières, les corps soumis à la génération et à la destruction, ne sont pas, à son gré, susceptibles de suivre les règles immuables d’un déterminisme absolu.

  1. Voir : Première partie, ch. XIII, § IV ; t. II, p. 292.