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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

nition qu’Aristote avait proposée au traité De l’interprétation, que Plutarque et Alexandre d’Aphrodisias avaient admise.

Si Thomas d’Aquin se trompe en attribuant cette théorie à Abou Masar, ; il ne se trompe pas en la déclarant vaine, et en formulant cette conclusion :

« S’il résulte des mouvements célestes que leurs effets doivent un jour s’accomplir d’une manière nécessaire, par là se trouve supprimée la contingence, qui est l’opposée de la nécessité. »

Il rapelle alors qu’Avicenne, conséquent avec l’axiome d’Aristote, proclamait l’absolue nécessité de l’action des astres sur les choses d’ici-bas :

« Pour démontrer que les effets des corps célestes se produisent nécessairement, Avicenne, dans sa Métaphysique[1], use du raisonnement suivant : Si quelque effet des corps célestes se trouvait empêché, il faudrait que ce fût par une cause volontaire ou par une cause naturelle ; mais toute cause volontaire ou naturelle se ramène à quelque principe céleste ; tout empêchement des effets des corps célestes provient ainsi de quelque principe céleste ; si donc on considère dans son ensemble l’ordre entier des corps célestes, il est impossible que son effet total cesse, à aucun moment, de se produire. 11 conclut de là, que les corps célestes font que tous les effets, tant naturels que volontaires, qui se produisent ici-bas, doivent exister nécessairement. »

Saint Thomas fait, à juste titre, ce rapprochement : « Ce raisonnement fut aussi, comme Aristote nous l’apprend au second livre de la Physique, celui de quelques anciens qui niaient le hasard et la fortune ; car ils disaient : Tout cela provient d’une cause bien déterminée ; or, la cause une fois posée, l’effet est aussi posé d’une manière nécessaire ; puis donc que tout arrive par nécessité, rien n’est casuel ni fortuit…

» Mais il n’est pas vrai qu’une cause quelconque étant posée, l’effet en soit, lui aussi, nécessairement posé. Cela n’a pas lieu pour toutes les causes ; parfois, bien qu’une cause soit, par elle-même, la cause propre et suffisante d’un certain effet, elle peut être empêchée par l’intervention de quelque autre cause, de telle façon que son effet ne se produise pas…

» Si donc on nous propose quelque effet nous dirons qu’il

  1. Metaphysica Avicenne Sive ejus prima philosophia. — Colophon : Explicit metaphysica Avicenne… impressa Venetiis per Bernardinum Venetum expensis viri Jeronymi duranti anno domini 1499. Lib. II, tract. X, cap. I, fol. suivant le fol. sign. i III, col. b.