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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

est lié en quelque sorte, et d’une manière nécessaire, aux mouvements locaux du monde supérieur, en sorte que toute la puissance qui réside en notre monde est gouvernée par ces mouvements. » Mais dans cet axiome, il est deux mots que son Christianisme l’oblige à biffer ; ce sont les mots : ἐξ ἀνάγκης, d’une manière nécessaire. Pour que nous soyons libre, en effet, il ne suffît pas qu’en notre for intérieur, nous puissions, entre deux partis, choisir sans contrainte celui que nous préférons ; il faut encore que nous ayons l’assurance de voir les mouvements de notre corps obéir à la détermination de notre volonté et, par là, imposer aux corps extérieurs des changements prévus et voulus par cette détermination ; il faut donc que, dans les mouvements et changements du monde corporel, il y en ait qui soient à notre disposition (ἐν ἡμῖν) ; il faut que l’avenir soit riche d’évènements contingents, de mouvements qui sont également et indifféremment possibles dans un sens ou en sens contraire (ὁπότερα) et dont notre libre choix déterminera l’orientation ; ainsi se trouve affirmée l’existence d’une certaine contingence même dans le monde des corps.

D’où provient cette contingence ? Après Plutarque, Claude Ptolémée et Alexandre d’Aphrodisias, Saint Thomas d’Aquin va s’efforcer de nous le montrer[1].

« On dira peut-être, écrit-il, que les effets des corps célestes se doivent accomplir nécessairement, et que, toutefois, la possibilité n’est pas, par là, enlevée aux choses d’ici-bas ; car, avant qu’il soit accompli, tout effet est en puissance, et on dit alors qu’il est possible ; puis, au moment où il se trouve mis en acte, il passe de la possibilité à la nécessité ; et tout cela demeure soumis aux mouvements célestes ; qu’un effet, donc, doive être, un jour, produit nécessairement, cela n’empêche pas que cet effet ne soit possible. »

Saint Thomas se trompe lorsqu’il ajoute : « C’est ainsi qu’Albumasar, au premier livre de son Introductorium, tente de défendre la possibilité. » Cette prétendue conciliation de la nécessité et de la possibilité est de Chrysippe ; Cicéron et Alexandre d’Aphrodisias en ont montré l’inanité ; mais Abou Masar ne Fa même pas rapportée ; de la contingence, il a donné[2] la défi-

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Summa contra Gentiles, lib. III, cap. LXXXVI : Quod corporales effectus in istis inferioribus non sequuntur ex necessitate a corporibus cœlestibus.
  2. Voir : Première partie, ch. XIII, § XIV ; t. II, p. 374.