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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

à user des jugements astrologiques pour pronostiquer des effets corporels, tels la tempête ou le temps serein ; la santé du corps ou la maladie ; la fécondité ou la stérilité des moissons, et autres choses semblables qui dépendent de causes naturelles et corporelles. Tous les hommes, en vue de prévoir de semblables effets, usent de quelque observation des corps célestes ; le cultivateur sème ou moissonne à certaines époques qu’il reconnaît par le mouvement du Soleil ; les marins évitent de prendre la mer dans la pleine lune ou dans la nouvelle lune ; les médecins, dans l’étude des maladies, observent des jours critiques qui sont déterminés par le cours du Soleil et de la Lune. Il n’y a donc aucun inconvénient à user de jugements astrologiques qui concernent des effets corporels et qui ont pour fondement l’observation de propriétés plus cachées des étoiles.

» Mais voici ce qu’il faut tenir pour absolument sûr : La volonté de l’homme n’est pas soumise à une nécessité imposée par les astres ; sinon le libre arbitre périrait ; les bonnes œuvres ne pourraient plus être imputées à l’homme comme méritoires ni les œuvres mauvaises comme coupables. Tout chrétien doit donc tenir pour très certain que ce qui dépend de la volonté de l’homme, telles toutes les œuvres humaines, ne saurait être soumis à la volonté imposée par les astres. »

Saint Thomas d’Aquin a invoqué l’autorité de Saint Augustin. Il est un point, en effet, où s’accordent ces deux saints, et ce point est celui-ci : Les principes de l’Astrologie n’intéressent la doctrine chrétienne que dans la limite où, à la volonté libre de l’homme, ils substitueraient une inéluctable nécessité ; l’Église aurait alors à les condamner formellement. Que si les droits du libre arbitre humain sont sauvegardés, la justesse ou la fausseté des jugements astrologiques reste un objet de discussion pour la science humaine ; elle n’a plus rien à faire.avec la foi.

Saint Augustin et Saint Thomas tiennent, à ce sujet, le même langage. Mais, aux astrologues, Saint Augustin est disposé à refuser, au nom de la raison humaine, même les croyances que l’Église les laisse libres de professer ; il réduit au minimum l’action des corps célestes sur les chose d’ici-bas. Saint Thomas, au contraire, concède à l’Astrologie tout ce que sa foi de Chrétien ne l’oblige pas strictement à lui refuser ; il soumet sans aucune exception le monde des corps sublunaires au gouvernement des circulations supérieures.

Très certainement, le Péripatétisme de Thomas d’Aquin est tenté de souscrire au célèbre axiome d’Aristote : « Ce monde-ci