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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

qu’ils se contentent de prédictions d’ordre général et qu’ils admettent la possibilité d’exceptions particulières.

À plus forte raison seront-ils en droit d’émettre des pronostics dans les circonstances où la libre détermination de la volonté humaine n’a point de part ; à plus forte raison, par exemple, pourront-ils annoncer à l’homme la bonne ou la mauvaise fortune.

La fortune, bonne ou mauvaise, qui doit se rencontrer dans la vie d’un homme est, en effet, régie par les constellations.

« Les bonheurs extérieurs qui nous arrivent naturellement, par réduction à l’acte de quelque puissance, les tenons-nous des anges qui meuvent les corps célestes ? » demande Jean de Verceil[1]. Et Saint Thomas de déclarer : « Je dis que la réponse 1 à cette question-là dépend encore de ce qui a été précédemment posé. Être amené naturellement de la puissance à l’acte, c’est la même chose que d’être mû naturellement ; si donc tout mouvement naturel des corps inférieurs est causé par le mouvement des corps supérieurs, il en résulte que les bonheurs de ce genre proviennent du ministère des anges qui meuvent les corps célestes. »

La doctrine contenue dans cette courte réponse se trouve détaillée par la Somme contre les Gentils. L’auteur examine[2] « en quel sens on peut dire d’un homme qu’il a une heureuse fortune, et comment les causes supérieures viennent en aide à l’homme.

« On dit qu’un homme a une bonne fortune lorsqu’il lui arrive quelque bien sans qu’il ait eu l’intention de l’acquérir ; ainsi en est-il si, fouillant dans un champ, il trouve un trésor qu’il ne cherchait pas…

» Par son corps, l’homme est subordonné aux corps célestes, par son intelligence aux anges, par sa volonté à Dieu. Une chose lui peut donc advenir sans qu’il en ait l’intention, parce que cette chose est conforme à l’ordre des corps célestes ou à une disposition voulue des anges ou encore à la volonté de Dieu. Dieu seul, en effet, coopère directement aux choix que fait un homme ; l’action des anges, toutefois, coopère à un certain degré, sous forme de persuasion, au choix de cet homme ;

1. Sancti Thomæ Aquinatis Opusculum X : Responsio ad Magistrum Joannem Vercellensem de articulis XL II ; art, IX.

2. Sancti Thomæ Aquinatis Summa contra Gentil es, lib. III, cap. XCII : Quomodo dicitur aliquis bene fortunatus, et quo modo adjuvatur homo ex superioribus causis.

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