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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

célestes ne sont pas causes de nos vouloirs et de nos choix. »

« La volonté, en effet, réside en la partie intellectuelle de l’âme ; si donc les corps célestes ne peuvent produire directement aucune impression dans notre intelligence, comme nous l’avons montré, ils ne pourront, non plus, rien imprimer dans notre volonté. »

À cet argument en faveur de sa thèse, Saint Thomas d’Aquin en joint bon nombre d’autres ; n’en citons qu’un, qui nous fera souvenir d’Alexandre d’Aphrodisias[1] :

« Nulle faculté n’est donnée en vain à quelque chose que ce soit. Mais, à l’égard de toutes choses, l’homme a la faculté d’examiner et de juger quelle œuvre il lui est loisible d’accomplir, soit qu’il se propose d’user des choses extérieures, soit qu’il s’agisse d’admettre ou de repousser les passions intérieures ; or cette faculté serait vaine si notre choix était causé par les corps célestes qui ne tombent pas sous notre pouvoir ; il n’est donc pas possible que les corps célestes soient causes de notre choix. »

Saint Thomas d’Aquin a déclaré que les corps célestes ne peuvent rien imprimer directement dans notre intelligence, qu’ils ne peuvent directement faire impression sur notre volonté et en déterminer les choix. Prenons bien garde à la présence de cet adverbe : directement ; aux propositions précédentes ; cette présence apporte de graves restrictions.

« Bien que les corps célestes[2] ne puissent être, directement, causes de notre opération intellectuelle, il faut savoir, toutefois, qu’ils y coopèrent indirectement dans une certaine mesure. Sans doute, notre intelligence n’est pas une faculté corporelle ; cependant, en nous, l’opération de l’intelligence ne peut s’accomplir sans la coopération de facultés corporelles qui sont l’imagination, la mémoire et l’attention… Si quelque indisposition du corps vient gêner l’œuvre de ces facultés, l’opération de l’intelligence s’en trouve entravée ; c’est ce qu’on voit chez les gens atteints de folie, de léthargie ou d’autre chose semblable. Pour la même raison, la bonne disposition du corps rend l’homme apte à faire œuvre d’intelligence, parce que les dites facultés sont alors plus vigoureuses…

» Or la disposition du corps humain est soumise aux mouve¬

1. Voir : Première partie, ch. XIII, § V ; t. Il, p. 302.

2. Sancti Thomæ Aquinatis Op. laad, , lib. III, cap. LXXXIV.

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