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L’ASTROLOGIE CHRÉTIENNE

lement par suite de la forme motrice (motio) qui provient de la Lune ; c’est par cette force que la Lune meut l’eau. »

Celui qui posait cette distinction ne manquait point de clairvoyance. À côté des actions électriques ou magnétiques que les astres peuvent exercer sur les corps— terrestres, à condition de les électriser ou de les aimanter par influence, ne considérons-nous pas la force de gravitation par laquelle ils meuvent ces corps sans leur communiquer aucune propriété nouvelle, et ne croyons-nous pas que les marées sont un effet de cette force ?

Nous voici pleinement instruits de tout ce que Saint Thomas entendait affirmer lorsqu’il formulait sa première thèse : « Les corps du monde inférieur sont régis par Dieu au moyen des corps célestes. »

À cette première thèse, le Doctor communis fait succéder celle que voici[1] : « Les corps célestes ne peuvent être causes de ce qui concerne l’intelligence. »

La raison qui justifiait la première thèse justifie également la seconde. L’ordre providentiel veut que les êtres inférieurs soient régis par les êtres supérieurs ; voilà pourquoi les corps sublunaires obéissent au gouvernement des astres ; mais voilà en même temps pourquoi les intelligences ne sauraient être dirigées par les corps célestes.

Les corps, d’ailleurs, n’agissent que par le mouvement ; les intelligences et les âmes qui, par elles-mêmes, sont hors du mouvement, n’en sauraient éprouver aucune influence. Les effets des mouvements célestes sont soumis au temps ; l’intelligence, dont l’opération fait abstraction du temps aussi bien que du lieu, ne saurait être soumise aux mouvements célestes.

« De tout cela, voici ce qu’il faut conclure : Admettre que les corps célestes sont la cause qui nous fait connaître, c’est une suite de l’opinion des philosophes qui regardaient l’intelligence comme ne différant point du sens… Or il est manifeste que cette opinion est fausse. Elle est donc également fausse celle qui regarde les corps célestes comme étant la cause directe de notre opération intellectuelle. »

La thèse que Saint Thomas a établie en second lieu, conduit tout aussitôt à celle qu’il formule en troisième lieu[2] : « Les corps

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Summa contra Gentiles, lib. III, cap. LXXXIV : Quod corpora cælestia non imprimant in intellectus nostros.
  2. Sancti Thomæ Aquinatis Op. laud., lib. III, cap. LXXXV : Quod corpora cælestia non sunt causæ voluntatum et electionum nostrarum.