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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

Par conséquent, les anges qui meuvent les corps célestes sont la cause de cette génération. »

On ne saurait souhaiter doctrine plus claire, plus formelle, plus générale : Tous les mouvements et changements qui s’observent ici-bas, dans le monde des corps, sont produits par les circulations célestes ; tous les mouvements des astres, à leur tour, sont produits par les anges. Pour gouverner le monde des corps inférieurs, Dieu emploie donc exclusivement le ministère des anges qui, à leur tour, se servent comme intermédiaires des mouvements des orbes célestes.

Mais, maintenant, une nouvelle question se pose : Ces corps célestes, comment exercént-ils leur action sur les corps d’ici-bas ?

Saint Thomas d’Aquin pense que les astres peuvent, sur les corps de ce monde, opérer de deux manières distinctes[1].

Le premier mode d’opération est semblable à celui par lequel l’aimant attire le fer. Par l’intermédiaire du milieu, l’aimant transmet au fer une certaine forme ; quand cette forme ou qualité a été imprimée dans un morceau de fer, celui-ci suit l’aimant ; si l’on vient, d’ailleurs, à éloigner la pierre magnétique, le fer garde quelque temps la qualité qu’il en a reçue. Notre auteur croit que, de même, certaines actions exercées par les astres sur les corps que composent les éléments « seraient conséquences de certaines formes ou vertus imprimées dans les corps composés d’éléments par les agents supérieurs. » De ces actions là, d’ailleurs, il ne cite point d’exemple.

Les agents supérieurs peuvent, croît-il, mouvoir d’une autre façon les corps composés par les éléments. « Les agents supérieurs, ceux qui surpassent la nature des éléments et des corps que forment ceux-ci, ce ne sont pas seulement les corps célestes, mais aussi les substances séparées supérieures. De la part de celles-ci, comme de la part de ceux-là, on rencontre, dans les corps inférieurs, des actions qui ne procèdent point’d’une forme imprimée dans ces corps inférieurs, mais qui proviennent uniquement de la force motrice (motio) émanée des agents supérieurs. Lorsque l’eau de la mer flue et reflue, si elle reçoit en partage ce mouvement, ce n’est pas à cause d’une propriété que l’élément aqueux tiendrait de la vertu de la Lune par le moyen d’une certaine forme qui lui serait imprimée ; c’est seu-

  1. Sancti Thomæ Aquinatis Opusculum XXXIV : De occultis operibus naturæ, ad quemdam militem.