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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

qu’il aurait atteint celle-ci ; il demeurerait en repos ; il ne pourrait, de lui-même, revenir à cette disposition non naturelle. »

Al Gazâli avait dit de même[1] :

« Le Ciel incline à changer ses parties de place par une rotation autour d’un centre. Or l’inclination qu’à le Ciel a un mouvement de cette sorte, il est impossible qu’elle soit en lui l’efïet de la nature et non l’efïet de la volonté. Le mouvement naturel, en effet, c’est seulement la fuite d’une situation et la recherche d’une autre situation ; lorsque le mobile est parvenue à cette dernière, il y demeure en repos ; il est impossible qu’il revienne naturellement à celle qu’il a quittée. »

Cette doctrine d’Avicenne et d’Al Gazâli fut, peut-on dire, universellement adoptée par la Scolastique latine. Il serait fastidieux de reproduire ici les témoignages nombreux que nous pourrions recueillir de cet accord. Nous avons, autrefois, cité[2] celui de Bernard de Trille, qui était particulièrement explicite.

On conçoit, d’ailleurs, que le Péripatétisme se soit montré sévère pour cette proposition : Les Cieux se meuvent de mouvement naturel. L’admettre, c’était renverser toute la Théologie d’Aristote et des Néo-platoniciens. Que la rotation d’un orbe céleste fût due à un impetus ou à une force naturelle analogue à la pesanteur, il devenait également inutile d’attribuer, à cet orbe, ni âme ni intelligence.

Or Nicole Oresme propose précisément de formuler la pensée de Buridan de la manière que voici : Les orbes célestes sont mus par des vertus naturelles analogues à la pesanteur et à la légéreté.

Le chanoine de Rouen vient d’examiner quelques difficultés relatives aux intelligences célestes dont la Physique péripatéticienne admettait l’existence ; il a raisonné « posé que les çielz soient meus par intelligences. Car », poursuit Oresme[3], « par aventure quand Dieu les créa, il mist en eulz qualitéz et vertus mottives auxi comme il mist pesanteur es chouses terrestres, et mist en eulz résistences contre ces vertus mottives.

» Et sont ces vertus et ces résistences d’autre nature et d’autre matière que quelconque chouse sensible ou qualité qui sont icy bas.

» Et sont ces vertus contre ces résistences tellement modé¬

1. Philosophia Algazelis, Lib. I, tract. IV ; éd. Venetiis, 1506, fol. sign. f 2, col. c.

2. Voir : Quatrième partie ; t. VI, ch. I, § VI (B), pp. 44-46.

3. Nicole Oresme, Le traité du Ciel et du Monde, livre II, ch. II ; Bibliothèque nationale, fonds français, ms. n° 1083, fol. 40, col. c.

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