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LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

III

ÿ

Les disciples de Buridan.

Albert de Saxe et Nicole Oresme

Albert de Saxe a pleinement adopté l’opinion de Jean Buridan sur le mouvement des sphères célestes par|deux fois, il l’a exposée avec la plus grande clarté.

Les Questions sur la Physique d’Aristote, rédigées par cet auteur s’achèvent par une question 1 où l’on montre comment on doit, par l’hypothèse de Vimpetus, rendre compte du mouvement des projectiles ; et voici en quels termes cette question prend fin :

« Selon cette opinion, on peut dire qu’il n’est pas nécessaire de supposer autant d’intelligences qu’il y a d’orbes célestes ; on peut prétendre que la Cause première a imprimé à chacun d’eux une certaine qualité motrice, qui meuve cette orbite d’une manière déterminée ; et cette vertu ne se détruit pas, parce que cet orbe n’a rien qui le dispose au mouvement en sens contr-aire.» Dans les Questions sur le Traité du Ciel, qui portent la date précise de 1368 2, Albert de Saxe reprend, avec plus de détails, la même pensée. Après avoir expliqué l’accélération qui affecte la chute d’un grave par un continuel accroissement dVimpetus dans le corps qui tombe, il poursuit en ces termes 3 : « En faveur de cette opinion, nous pouvons citer l’expérience que voici : Supposons qu’une meule de forgeron, très grande et très lourde, ait été tournée jusqu’à ce qu’elle se meuve très rapidement, et qu’on cesse alors de la tourner ; elle demeurera longtemps en mouvement. Cela ne peut provenir que d’un impetus acquisitus qui vient du dehors et qui lui1 a été imprimé par l’homme chargé de la tourner. Lorsqu’on cesse de tourner cette meule, cet impetus diminue continuellement, si bien que la meule finit pas s’arrêter ; cela est dû à ce que la forme naturelle de cette meule à une tendance opposée à celle de Vimpetus. 1. Alberti de Saxonia Quæstiones in libros de physica auscultatione ; lib. VIII, quæst. XIII.

2. P. Dühem, Études sur Léonard de Vinci. Troisième série : Les précurseurs parisiens de Galilée ; Paris, 1913, pp. 3-6. 3. Alberti de Saxonia Subtilissimæ quæstiones in libros de Cælo et Mundo ; lib. II, quæst. XIV, ap. éd. Venetiis 1492 et 1520. Cette importante question est omise dans les éditions données à Paris en 1516 et en 1518.