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LA PREMIÈRE CHIQUENAUDE

blissement et à la destruction du mouvement. Cet affaiblissement, cette destruction, requièrent une tendance propre au mobile, telle que la pesanteur, ou une résistance opposée par les corps extérieurs.

Voilà donc que s’écroule toute la Dynamique d’Aristote.

Mais ce n’est pas seulement la Dynamique du Stagirite qui est jetée bas ; c’est aussi la Théologie de ce philosophe.

De son axiome, Aristote avait déduit ce corollaire : À un mouvement éternel, il faut un moteur éternel et immuable, partant exempt de matière. Le mouvement éternel des orbes célestes met en évidence l’existence d’intelligences pures qui sont des dieux. De la Φυσικὴ ἀκρόασις au Guide des égarés et à la Summa contra gentiles, tous les Péripatéticiens et les Néo-platoniciens, qu’ils soient païens, musulmans, juifs ou chrétiens avaient reproduit ou imité ce raisonnement, en s’efforçant de l’accommoder aux exigences de leur orthodoxie.

Les philosophes péripatéticiens, en effet, demandent à Dieu, pour maintenir le mouvement dans le Monde, d’exercer une action motrice perpétuelle ; Buridan lui demande seulement de donner aux orbes célestes une impulsion initiale ; Dieu pourra ensuite se reposer de toute action motrice ; en vertu de cette première chiquenaude, les choses créées, « soumises aux actions et aux passions mutuelles » dont il les a douées, continueront à se mouvoir indéfiniment.

Ce n’est pas la doctrine du païen Aristote, c’est cette doctrine nouvelle, dont la loi d’inertie est l’axiome essentiel, qui paraît à notre auteur, conforme aux enseignements de la foi catholique. Cette conclusion, toutefois, il ne l’affirmera pas d’une manière catégorique, car il manquerait aux engagements que les maîtres ès-arts étaient, par les règlements universitaires, tenus de prendre[1] ; aùssi, pour ne pas s’exposer aux reproches qu’il s’était parfois attirés de la part des docteurs en Théologie, aura-t-il soin d’écrire[2] :

« Tout cela, je ne le donne pas comme assuré ; je demanderai seulement à Messieurs les Théologiens de m’enseigner comment peuvent se produire toutes ces choses. »

La révolution que la loi d’inertie accomplit en Dynamique n’a pas seulement de graves conséquences dans le domaine de

  1. Vide Supra, p. 55.
  2. Vide Supra, p. 329.